L’unité du royaume est en péril. Si l’on en croit le Sunday Times, la montée de l’indépendantisme écossais, mais aussi celle d’un séparatisme irlandais, menace l’union des nations. Et cette crise constitutionnelle creusée par le Brexit pourrait être le principal défi que Boris Johnson aura à relever dans les années qui viennent. Le journal se fonde sur une vaste étude lancée à l’échelle des quatre nations – l’Écosse, le pays de Galles, l’Irlande du Nord et l’Angleterre. Ces sondages montrent notamment qu’une majorité d’Écossais, mais aussi désormais de Nord-Irlandais, veut un référendum permettant la rupture avec Londres. Au pays de Galles même, le soutien à l’indépendance monte à 23 %, quand il plafonnait à 10 % il y a cinq ans. «Le sentiment d’identité britannique qui liait autrefois le pays est en train de se désintégrer», écrit le quotidien.
Collusion constitutionnelle
Le sondage confirme ceux des derniers mois, qui montrent tous qu’une majorité d’Écossais est désormais en faveur de l’indépendance. Et dans les quatre nations, les personnes interrogées estiment que l’Écosse sera indépendante dans les dix ans qui viennent. Les indépendantistes du SNP (Scottish National Party) sont donnés largement favoris aux élections locales de mai. La première ministre, Nicola Sturgeon, estime que cette victoire annoncée lui donnera un mandat pour organiser une nouvelle consultation sur l’indépendance. Le SNP a d’ailleurs dévoilé samedi sa «feuille de route pour un référendum», indiquant sa ferme intention d’en organiser un malgré le refus de Boris Johnson.
Ce «plan B» place les deux gouvernements sur une trajectoire de collusion constitutionnelle. «BoJo» a redit au début du mois son opposition catégorique, estimant que les référendums ne devraient être autorisés «qu’une fois par génération», une allusion à celui de 2014, où 55 % d’Écossais avaient dit non à l’indépendance. «Boris Johnson craint clairement le verdict du peuple écossais», a dénoncé Nicola Sturgeon dimanche sur la BBC. Elle appuie sa revendication sur un Brexit réalisé «contre la volonté du peuple d’Écosse», qui avait voté à 62 % contre la sortie de l’UE. Et elle espère qu’une Écosse indépendante pourra à terme rejoindre l’Europe.
Autre lézarde dans l’unité du royaume, en Irlande du Nord, une majorité de la population (51 % contre 44 %) veut désormais un référendum sur la réunification de l’Irlande dans les cinq ans à venir. Et si les unionistes font encore la course en tête, leur avance se réduit (47 % contre 42 %). Sachant que le pourcentage d’indécis est de 11 %, la situation devient inconfortable vue de Londres… Et la tendance de l’avenir paraît claire: chez les moins de 45 ans, les partisans de la réunification irlandaise l’emportent. Une majorité de Nord-Irlandais (48 % contre 44 %) estiment que cette réunification aura lieu dans les dix ans qui viennent.
Conscient du danger qui grandit, le gouvernement britannique tente de préparer une réponse. Le ministre d’État Michael Gove a présidé la semaine dernière une réunion pour plancher sur une campagne vantant les bénéfices de l’union. Mais le Brexit a sérieusement creusé les failles.
LE FIGARO / ARNAUD DE LAGRANGE .