La France publiera fin 2023 une stratégie pour se préparer à un réchauffement de 4 °C. Sans pour autant annoncer une diminution des émissions de gaz à effet de serre.
L’exercice arrive à point nommé, alors que la France traverse une deuxième sécheresse historique en deux ans, avec trente-deux jours sans véritable pluie. Le gouvernement va proposer une nouvelle stratégie d’adaptation aux effets du changement climatique — végétaliser les villes contre les canicules, ne plus bétonner le littoral, etc. —, qui sera dévoilée à la fin de l’année. Deux scénarios y seront anticipés : celui d’un réchauffement de 2 °C d’ici la fin du siècle, correspondant au respect de l’Accord de Paris, et un autre, « dégradé » de 4 °C, au cas où aucune nouvelle mesure de lutte contre le changement climatique n’était adoptée au niveau mondial.
Une manière de « sortir du déni » et de « se préparer au pire », comme l’a expliqué le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu mercredi 22 février sur Franceinfo. « 2022 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée dans notre pays, a justifié M. Béchu dans un communiqué. Les incendies et les sécheresses qui en sont nés nous montrent que nous devons agir encore plus vite pour anticiper les risques du changement climatique qui grandissent. »
Pour ce faire, le ministère de la Transition écologique a réuni pour la première fois le 23 février un comité de pilotage ministériel sur l’adaptation au changement climatique. Météo-France, le Cerema, l’Agence de la transition écologique (Ademe) et la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) étaient notamment présents. Pour élaborer leur plan d’attaque, les participants peuvent s’appuyer sur le rapport de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), commandé lors du précédent quinquennat par la ministre de la Transition écologique de l’époque, Barbara Pompili, et qui compare les stratégies d’adaptation adoptées par d’autres pays comme le Royaume-Uni, la Suisse, le Japon ou encore le Canada.
Une première version de la stratégie doit être soumise à consultation au printemps, et une version finale dévoilée à la fin de l’année. « L’objectif, c’est que toutes les décisions qui ont un impact à long terme, notamment les infrastructures lourdes, de production d’énergie par exemple, soient adaptées aux différents scénarios d’adaptation », a expliqué l’entourage du ministre, qui est resté par ailleurs très évasif sur les mesures concrètes envisagées.
Quid de la baisse des émissions de gaz à effet de serre ?
Mais d’où sort ce chiffre de +4 °C, brandi par le ministère ? « Le Giec [1], dans la première partie de son dernier rapport publiée en août 2021, présente un certain nombre de scénarios parmi lesquels un scénario de politique inchangée — où l’on s’arrêterait à l’ensemble des mesures [de réduction des émissions de gaz à effet de serre] déjà prises sans mesures additionnelles. Ce scénario nous emmènerait à un réchauffement d’environ +3,2 °C à l’horizon de la fin du siècle. […] Il se traduirait en France par un réchauffement autour de +4 °C, puisque pour un réchauffement mondial donné le réchauffement moyen en France est plus important », a indiqué l’entourage du ministre.
L’étude d’un scénario à +4 °C signifie-t-il que la France a renoncé à ses engagements de réduire suffisamment ses émissions de gaz à effet de serre pour respecter ses engagements européen (-55 % d’émissions d’ici 2030) et international ? M. Béchu et son entourage s’en défendent. « Loin d’être un signe de défaitisme, il s’agit de se préparer aux différents risques tout en poursuivant inlassablement, en parallèle, nos efforts pour réduire nos émissions et de gaz à effet de serre et notre empreinte carbone », a écrit le ministre de la Transition écologique dans son communiqué.
« En France, il n’y a pas d’opposition entre tenir l’Accord de Paris et se préparer à une trajectoire à +4 °C », a développé son entourage. Tout d’abord, parce que le changement climatique a déjà des conséquences visibles sur le territoire hexagonal. « Quand le ministre va en Gironde participer à la destruction de l’immeuble Le Signal, construit il y a soixante ans à 200 mètres du trait de côte et qui s’y retrouve aujourd’hui à 10 mètres, c’est de l’adaptation. » Mais aussi parce que « ni la France, ni l’Europe ne sont une île », souligne l’entourage du ministre : « On ne vit pas sous cloche et d’autres pays dans le monde continuent à avoir des pentes qui ne respectent pas ou qui ne correspondent pas à l’Accord de Paris. » Pour le climatologue Christophe Cassou, « la meilleure adaptation est l’atténuation (diminution des émissions de gaz a effet de serre) », a-t-il rappelé sur Twitter.
Info : REPORTERRE