Après des débats qui avaient duré plus de sept heures en septembre, le procès de militants luttant contre la construction de mégabassines reprend, ce 28 novembre, à Niort.
La partie 2 va pouvoir débuter. Le procès des militants opposés à la construction de mégabassines reprend, ce mardi 28 novembre, au tribunal de Niort (Deux-Sèvres), après son interruption le 8 septembre.
Le banc des prévenus reste le même. Seront jugés, pêle-mêle : Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines non merci, Nicolas Girod, l’ancien porte-parole de la Confédération paysanne, Benoît Feuillu et Basile Dutertre, pseudonymes de ces deux hommes qui ont agi comme porte-paroles des Soulèvements de la Terre, des représentants départementaux des syndicats CGT, Solidaires, la Confédération paysanne, ainsi que deux autres agriculteurs.
« Vol de pelle »
Ces militants s’opposent à la construction de mégabassines sur le territoire français. Ces retenues d’eau, à destination de certains agriculteurs irrigants, provoquent leur colère — et celle d’une partie de la population — en raison de leur « gigantisme ».
Celle de Mauzé-sur-le-Mignon, dans les Deux-Sèvres, fait l’équivalent d’environ 80 piscines olympiques. Ils dénoncent également le risque d’eutrophisation et d’évaporation de l’eau, l’incertitude scientifique sur les conséquences hydrologiques de ces ouvrages, ou encore le manque de débat public autour de leur installation.
En tout, neuf personnes sont toujours accusées, de faits très différents — du « vol d’une canalisation » à l’« organisation d’une manifestation interdite sur la voie publique » en passant par « le vol d’une pelle » — commis à des dates s’étalant du 26 mars 2022 au 25 mars 2023.
Des débats interminables
Lors de la première partie du procès, les avocats de la défense avaient critiqué le choix du parquet de regrouper ces profils et ces affaires n’ayant pas de rapport les uns avec les autres. C’est justement à cause de cette multiplicité d’accusations que l’audience avait duré plus de sept heures, le 8 septembre.
Seul un des prévenus, un agriculteur bio installé en Ariège, avait accepté de répondre aux questions du président du tribunal, se défendant d’avoir participé à la destruction d’une canalisation. Les autres avaient utilisé leur temps de parole non pas pour s’expliquer sur leurs accusations, mais pour dénoncer « l’effondrement des écosystèmes », « l’accaparement de l’eau par une poignée d’agriculteurs au détriment des autres » et « la criminalisation des manifestants ».
Après des débats qui s’étaient éternisés jusqu’à 21 h 30, le président du tribunal avait choisi de suspendre l’audience. « Une suspension était nécessaire pour respecter le droit d’être jugé dans des conditions dignes », avait approuvé Me Chirine Heydari, une des avocates de la défense. Deux mois et demi plus tard, le procès va donc reprendre.
Les discussions pourraient encore se prolonger dans la soirée, au vu du nombre d’événements à passer en revue, et de la quantité de témoins à écouter. Sept personnes sont attendues — elles avaient dû rester à huis clos le 8 septembre, dans une salle à l’écart du procès, avant de rentrer chez elles sans avoir eu le temps de s’exprimer : des agriculteurs, une juriste, une représentante de la Ligue des droits de l’Homme, une scientifique…
Drones et rues fermées
Même s’il sera plus « souple » que le 8 septembre, un dispositif policier sera encore mis en place autour du tribunal de Niort, a annoncé la préfecture des Deux-Sèvres. Plusieurs rues seront fermées à la circulation automobile — il ne sera possible de se déplacer « qu’à pied ou à vélo » — mais il n’y aura plus besoin d’un laissez-passer aux alentours du tribunal.
Les manifestations ont toutefois été interdites devant le palais de justice. La préfecture a autorisé « la captation, l’enregistrement et la transmission d’images » par des drones survolant la zone. Ce même dispositif sera également déployé à proximité de la réserve d’eau de Mauzé-sur-le-Mignon, et de celles en construction de Sainte-Soline et Val-du-Mignon, jusqu’au 29 novembre à 20 h.
Les autorités craignent que les militants s’approchent des bassines, comme cela avait été le cas après le procès en septembre. Ils avaient organisé une « balade militante » dans le marais poitevin.
Un rassemblement de soutien aux prévenus est prévu le long de la Sèvre niortaise dès 8 h du matin le 28 novembre. Des tables rondes — sur la répression des militants et sur la gestion de l’eau —, une projection de documentaire et des « retransmissions théâtralisées » du procès sont également au programme, dans la salle de spectacles populaires du patronage laïque, à proximité du tribunal.
Victoires en série
Les prévenus espèrent surfer sur la vague judiciaire qui leur est favorable depuis quelques semaines. Le 3 octobre, le tribunal administratif de Poitiers a annulé deux arrêtés préfectoraux autorisant la création de quinze mégabassines à cheval sur la Charente, la Charente-Maritime, les Deux-Sèvres et la Vienne.
Le 30 octobre, le juge des référés du même tribunal a suspendu temporairement le permis d’aménager de la mégabassine de Priaires (Deux-Sèvres).
Enfin, le 9 novembre, le Conseil d’État a annulé la procédure de dissolution des Soulèvements de la Terre, estimant « qu’aucune provocation à la violence contre les personnes ne peut être imputée aux Soulèvements de la Terre ».