Victoire des Soulèvements de la Terre contre Darmanin, oursons nés dans les Pyrénées, pesticides interdits… Oui, il y a eu des bonnes nouvelles cette année. Voici un florilège !
On ne va pas se mentir : l’année a été rude. Entre catastrophes climatiques en cascade, répression violente des militants écologistes, passage en force de projets climaticides et élus sourds aux alertes des scientifiques, il y aurait de quoi être traumatisé par 2023.
Derrière les défaites cinglantes se cachent toutefois une myriade de victoires écologistes. Avant de dire adieu à l’année écoulée, prenons le temps de nous remémorer quelques nouvelles enthousiasmantes dont elle nous a gratifiés.
Le vivant qui résiste
Certes, la biodiversité est en crise, mais le vivant peut renaître. Littéralement. Un bébé rhinocéros de Sumatra a vu le jour en novembre, dans l’ouest de l’Indonésie. Un évènement extrêmement rare et bienvenu pour cette espèce en danger critique d’extinction. Plus proche de nous, 7 à 8 nouvelles portées d’ours ont été détectées cette année dans les Pyrénées, ce qui devrait permettre à l’ours brun de passer la barre des quatre-vingt individus dans la région.
En Australie, cela faisait plus de cinquante ans que l’on avait plus vu de « dragon sans oreilles ». Tympanocryptis pinguicolla, de son nom savant, est l’un des reptiles les plus menacés du monde. Il a été de nouveau aperçu par des scientifiques en février dernier à l’ouest de Melbourne (État du Victoria). Au même moment, au Tchad, une lionne a été filmée par une caméra du parc national Sena Oura. Une belle surprise puisque l’espèce n’y avait plus été vue depuis 2004 et était officiellement considérée comme « éteinte » dans cette région du Tchad.
Plus institutionnel, le 15 mars l’Albanie célébrait le vivant en prenant une décision inédite en Europe : la Vjosa, considérée comme le dernier grand fleuve sauvage d’Europe (hors Russie), a été proclamée « parc national ». L’ensemble de son lit et même certains de ses affluents, soit près de 13 000 hectares, sont désormais protégés au titre de la catégorie II de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l’un des plus hauts degrés de protection possibles.
Des « grands projets inutiles » sur le carreau
Devenues emblèmes de la maladaptation climatique et de projets agro-industriels dénoncés comme anti-écologiques par leurs opposants, les mégabassines ont connu des revers sérieux cette année. Le 3 octobre notamment, le tribunal administratif de Poitiers a annulé deux arrêtés préfectoraux autorisant la création de quinze mégabassines en Nouvelle-Aquitaine.
Le tribunal a jugé que ces projets n’étaient « pas associés à de réelles mesures d’économie d’eau » et n’étaient pas adaptés aux effets du changement climatique. « Ça montre que les magistrats administratifs écoutent et s’approprient les conclusions des scientifiques », s’est réjoui auprès de Reporterre l’eurodéputé écologiste Benoît Biteau.
Autres tentatives d’artificialisation retoquées à la pelle : pas moins de dix projets de développement des stations de ski de Maurienne ont été annulés en mai par le tribunal administratif de Grenoble. Une « victoire exceptionnelle » pour les collectifs écologistes locaux qui dénonçaient une fuite en avant dans le développement du ski, incompatible avec la raréfaction des ressources en eau et le changement climatique.
Au nord-est de Toulouse, un projet d’entrepôt géant qui devait grignoter 12 hectares de terres agricoles a été abandonné en février. Il faisait l’objet d’une lutte intense de la part des riverains et d’organisations écologistes. En mars, c’était au tour du projet d’extension du Grand port maritime Nantes-Saint-Nazaire, qui aurait dû artificialiser 110 hectares de zone naturelle et détruire ainsi 51 hectares de zones humides. La preuve que « la lutte paie », racontait un militant victorieux à Reporterre.
Des avancées contre les pesticides
Le 15 février, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a annoncé la prochaine interdiction du S-métolachlore, l’un des plus utilisés en agriculture française — l’interdiction a été confirmée au niveau européen en octobre. L’Anses juge le risque de contamination des eaux trop élevé. Mais l’interdiction ne portera que sur « certains usages ».
Deux autres herbicides, à base de glyphosate, ont été interdits en mai en France. La raison : l’absence de données transmises par Syngenta, qui les commercialise, sur les risques qu’ils font planer sur les pollinisateurs. Une bonne nouvelle pour, entre autres, les abeilles, qui ont également profité de l’interdiction définitive des néonicotinoïdes en janvier. Ce produit réputé être un « tueur d’abeilles » devait être réautorisé sous forme dérogatoire par le gouvernement français pour la troisième année de suite mais une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) l’a stoppé net.
Ces victoires sont toutefois en demi-teinte puisqu’en novembre, l’Union européenne a réautorisé le glyphosate pour dix ans, malgré l’accumulation d’études sur sa nocivité pour la santé et la biodiversité. Toujours en novembre, le Parlement européen a renoncé à voter l’objectif de réduction de moitié de l’utilisation des pesticides d’ici 2030, sous la pression de la droite et de l’extrême droite.
L’incurie politique sur le sujet a été soulignée en France, où l’État a été condamné en juin pour « carence fautive » dans le « préjudice écologique résultant de la contamination généralisée, diffuse, chronique et durable des eaux et des sols [par les pesticides] ». Une condamnation symbole de l’échec de la lutte contre les pesticides ou de la victoire en droit des militants écologistes ?
Les défaites des lobbies industriels
Parfois, la puissance de frappe financière des multinationales ne suffit pas. Malgré un lobbying des grands industriels qualifié de « sans précédent » par la députée européenne Manon Aubry, le Parlement européen a adopté en juin une directive sur le devoir de vigilance. Une « victoire immense » pour la députée de La France insoumise, qui doit permettre de tenir les multinationales opérant au sein de l’Union européenne responsables du respect des droits humains et environnementaux sur l’ensemble de leur chaîne de valeur.
L’autre grand match contre les lobbies – des énergies fossiles cette fois – s’est joué lors de la COP28 à Dubaï. Un nombre record de 2 456 lobbyistes du pétrole, du charbon et du gaz a tout fait pour que la mention des énergies fossiles n’apparaisse pas dans l’accord final. Pour la première fois dans l’histoire des COP, le texte final mentionne bien ces derniers et la nécessité d’une « transition hors des énergies fossiles ». Un succès mitigé cependant, tant ces termes qui déplaisent à l’industrie ne les empêchent pas de continuer à forer et exploiter de nouveaux stocks fossiles, à l’instar de TotalÉnergies.
À plus petite échelle, les intérêts industriels se sont inclinés à plusieurs reprises face à l’intérêt général en France : en juin, les lobbies de la charcuterie ont échoué à empêcher l’application Yuka de dénoncer les dangers cancérigènes des nitrites contenus dans les charcuteries. Et, en mai, la Ligue pour la protection des oiseaux obtenait du Conseil d’État l’interdiction de plusieurs pratiques de chasses traditionnelles. Une victoire réjouissante face à un lobby de la chasse habitué à être très écouté par les parlementaires.
Des victoires sur le front politique
L’inquiétante criminalisation des mouvements écologistes par le gouvernement français a atteint son climax cette année. Plusieurs victoires sont tout de même notables : la relaxe quasi générale en appel de militants antinucléaires de Bure en janvier par exemple.
C’est surtout le destin des Soulèvements de la Terre qui occupa le devant de la scène pendant de longs mois. Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, avait dissout en juin le mouvement écologiste, l’accusant de « violences répétées, d’attaques contre les forces de l’ordre, d’appels à l’insurrection » lors de la manifestation de Sainte-Soline. Une mesure jugée « liberticide » et gravement à contre-courant de ce qu’imposerait l’urgence écologique, ainsi que le dénonçaient alors de nombreuses personnalités.
D’abord suspendue en août par le Conseil d’État, la dissolution a été définitivement annulée en novembre. Les juges ont estimé que la dissolution n’était pas une « mesure adaptée, nécessaire et proportionnée », étant donné « qu’aucune provocation à la violence contre les personnes ne peut être imputée aux Soulèvements de la Terre ».
Ailleurs dans le monde, la dynamique politique généralement peu favorable à l’écologie autorise tout de même quelques signes d’espoir. Comme au Brésil, où Lula, investi début janvier, a rapidement pris une série de mesures écologiques. En septembre, le « procès du siècle » a permis la victoire des peuples autochtones d’Amazonie et conforté leur droit inaliénable à occuper leurs terres, face aux appétits de l’agro-industrie.
Bien sûr, la forêt amazonienne, si cruciale pour la biodiversité et le climat mondial, est plus vulnérable que jamais. Mais la déforestation ralentit et est tombée cette année à son niveau le plus bas depuis cinq ans. Une victoire amère mais une victoire tout de même, fruit de l’opiniâtre combat de militants tout au long de l’année. De quoi montrer le chemin pour 2024 ?