Paris, Lyon, Montpellier, Lille… Une dizaine de rassemblements à l’appel de Sea Shepherd France ont eu lieu le 3 août pour demander la libération de Paul Watson, militant antispéciste arrêté au Groenland le 21 juillet dernier.
Lille (Nord), reportage
Ce samedi 3 août, sur la place de la République de Lille, ni le crachin ni la fraîcheur ambiante — et encore moins le match de basket de la Team USA — n’ont empêché des dizaines de personnes de venir crier, à l’unisson : « Libérez Paul Watson ». Depuis deux semaines, le militant antispéciste âgé de 73 ans est emprisonné à Nuuk, au Groenland. Sous la menace d’une extradition vers le Japon en raison de sa lutte contre les navires nippons chasseurs de baleines — en vertu d’un mandat d’arrêt très discutable — il encourt quinze ans de prison.
Une situation révoltant les manifestants lillois venus de toute la région à l’appel de Sea Shepherd Lille. À l’instar de Sophie, jeune maman venue en compagnie de sa fille en bas âge. « J’ai découvert Paul Watson il y a quelques années, dans un magazine. C’est un héros des temps modernes, qui a risqué sa vie pour protéger les océans et la vie marine. On a très peu de gens comme ça. Je ne peux pas imaginer qu’on arrête et qu’on extrade Paul Watson alors qu’il s’est battu contre des actions illégales », regrette Sophie.
Non loin d’elle, une manifestante émue s’exclame : « Quinze ans de prison ! C’est ça, le remerciement pour sauver des vies ? J’arrive pas à croire ça, c’est incroyable. Où est la justice ? » « Paul Watson se bat pour que la planète vive. Si l’océan meurt, on meurt », estime Franck Mancey, militant pour l’antenne lilloise de Sea Shepherd.
Les manifestants appellent à l’action
Si les manifestants lillois se sont réunis, c’est clairement pour envoyer un message à la classe politique française ou européenne. « Nous sommes ici pour montrer aux politiques que la population est là. Dans cette affaire, je trouve que le pouvoir politique devrait agir plus durement », juge F-X, venu soutenir la cause avec sa fille Éléonore. « C’est les politiques et la diplomatie qui doivent gérer ça. Il faut qu’ils se rendent compte qu’il y a de grosses mobilisations, en France et ailleurs », juge Franck Mancey.
Les manifestants espèrent par ailleurs une extension du mouvement au niveau européen, à commencer par le Danemark. « J’attends que le président [français] engage une action diplomatique avec le Danemark », espère Sophie. « On croise les doigts pour que le peuple danois, qui est un grand peuple, mette le nez là-dedans et qu’il fasse le nécessaire pour que Paul Watson soit libéré rapidement », espère Franck Mancey. Pour F-X, l’Union européenne gagnerait aussi à adopter une position commune — ce qui n’est pas le cas actuellement. « Le Danemark fait également partie de l’Union européenne. Ne pas pouvoir faire plier un pays membre de l’UE, je trouve cela hallucinant », déplore F-X.
Un contre-la-montre jusqu’au 15 août
La mobilisation organisée par Sea Shepherd France ce week-end est l’occasion d’alerter l’opinion publique, mais aussi de maintenir une pression sur les institutions, en vue de l’audience prévue au tribunal de Nuuk (Groenland) le 15 août prochain. La semaine prochaine, d’autres manifestations de soutien — en France, mais aussi au Danemark — sont prévues, selon Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France.
Actuellement au Groenland, la militante jointe dimanche 4 août donne quelques nouvelles plutôt rassurantes sur Paul Watson. « Je l’ai revu vendredi [2 août], je le revois demain. Il a un tempérament de battant, mais il sait que sa vie est en jeu, qu’on fait tout pour le sortir de là. Je lui ai parlé de la mobilisation qui s’est montée pour lui, ça le touche beaucoup. »
Si les conditions de détention de Paul Watson ne soulèvent pas de problème particulier, il pourrait en être autrement s’il est extradé au Japon, où celles-ci sont très difficiles. « On s’active pour préparer la défense de Paul avec une équipe d’avocats, précise Lamya Essemlali. En attendant, on continue à travailler sur la mobilisation de l’opinion publique. On fera la même chose le week-end prochain : on prépare un événement au Danemark avant l’audience du 15 août. »
Une prise de guerre politique pour le Japon
Le dossier Paul Watson est éminemment diplomatique, et le rôle des dirigeants français et européens sera décisif. L’Élysée a déclaré, il y a quelques jours, que « la France intervient auprès des autorités danoises afin que Paul Watson ne soit pas extradé vers le Japon » ; mais depuis, rien de nouveau. Sea Shepherd France, en contact avec des conseillers de l’Élysée, donnera un coup de main. « On prévoit de fournir aux conseillers du président des notes, des feuilles de route expliquant le détail du dossier, les raisons pour lesquelles le mandat d’arrêt est fallacieux, et la preuve que cette affaire est surtout politique », estime Lamya Essemlali.
Et d’ajouter : « C’est un symbole à abattre, ils veulent en faire un exemple du sacrifice de Paul Watson. Notre position est limpide : il n’a commis aucun crime et aucun délit, en application d’un moratoire international. Ceux qui ont violé la loi, ce sont les Japonais, qui ont tué des dizaines de milliers de baleines. »
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L’opiniâtreté du gouvernement japonais à l’encontre de Paul Watson s’explique par une prétendue « défense des traditions », mais surtout par l’importance du lobbying en faveur de la chasse à la baleine au pays du Soleil levant. « Le gouvernement japonais fait la promotion du burger de baleine, qui n’est pas du tout une viande populaire. Une poignée de personnes au sein de cette industrie s’accrochent à d’anciens privilèges, et font partie d’un mouvement ultranationaliste au Japon. Tout cela ternit l’image du Japon », déclare Lamya Essemlali.
En effet, pour le Parti libéral-démocrate japonais (PLD) au pouvoir, la baleine représente un enjeu électoral dans certains endroits du pays, et la promotion de la viande de baleine est activement menée par les poids lourds du parti au pouvoir. Des caciques souvent très âgés, ayant connu l’après-guerre, où la consommation de viande de baleine était alors nécessaire. À l’instar de Toshihiro Nikai, ancien secrétaire général du PLD : alors que le Japon était sommé par la Cour internationale de justice (CIJ) en 2014 de stopper la chasse à la baleine, il avait répondu en dégustant un… curry de baleine.