Budget 2025 : un désastre pour l’écologie REPORTERRE

Cinq mois de discussions budgétaires n’ont fait qu’alourdir la cure d’austérité. Les politiques écologiques figurent parmi les plus durement touchées, avec des crédits en baisse de 2,1 milliards d’euros entre 2024 et 2025.

Brutal coup d’arrêt. Il y a un an, l’espoir était encore de rigueur face à un début de mobilisation de l’État sur le front de la transition écologique. Le président Emmanuel Macron et sa Première ministre Élisabeth Borne avaient entamé un mouvement avec la création d’un fonds vert pour les collectivités, début 2023, et des investissements écologiques en hausse. Mais leurs ambitions ont fait long feu. Emportées par le dérapage inattendu des comptes publics, en raison d’une dégradation mal anticipée de la conjoncture mondiale et de six ans de baisses d’impôts ayant fragilisé le budget de l’État. Le gouvernement a gelé 10 milliards d’euros en urgence en février dernier, puis 10 nouveaux milliards sur le deuxième semestre. Déjà, l’écologie figurait parmi les cibles de choix, alors que les budgets des ministères régaliens (Défense, Intérieur et Justice) sont en hausse.

Un an de tragicomédie politique plus tard, le budget 2025 issu de la commission mixte paritaire prévoit 2,1 milliards d’euros de coupes budgétaires sur la mission Écologie par rapport à 2024, selon les groupes d’opposition de gauche. C’est plus que ce qui était prévu à l’automne par le gouvernement de Michel Barnier. La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a dit ces dernières semaines « assumer de faire [s]a part de l’effort budgétaire ».

« Ce sont au total 23,5 milliards d’euros de dépenses publiques en moins, un record depuis vingt-cinq ans », a souligné Éric Coquerel, président La France insoumise (LFI) de la Commission des finances, le 3 février à la tribune de l’Assemblée nationale. Quelques minutes plus tard, le débat a été interrompu par l’utilisation de l’article 49.3 par le Premier ministre François Bayrou : le projet de loi de finances sera de fait adopté le 5 février si la motion de censure déposée par LFI n’emporte pas de majorité. Le Parti socialiste (PS) a annoncé qu’il ne voterait pas la censure.

  • Transition énergétique : un net ralentissement

Les baisses de crédit pour l’écologie sont en grande partie dues à la forte diminution des aides à l’achat de véhicules électriques (divisées par trois et ramenées à 700 millions d’euros malgré le durcissement de l’impôt sur les véhicules lourds dit « malus poids ») et une baisse de 200 millions d’euros des aides aux énergies renouvelables.

« Un désastre pour l’écologie »

MaPrimeRenov’, le programme d’aide aux particuliers pour la rénovation thermique des bâtiments, désormais sous tutelle du ministère du Logement, passe de 4 milliards d’euros en 2024 à 2,3 milliards.

« Sur MaPrimeRenov’, sur le leasing social, sur les soutiens aux énergies renouvelables, les budgets sont sacrifiés et cette politique de “stop and go” nuit à la structuration des filières. Le budget Bayrou est un désastre pour l’écologie », dit à Reporterre Éva Sas, députée Les Écologistes et membre de la Commission des finances.

  • Le fonds vert et le plan vélo limitent les dégâts

Cela aurait pu être pire pour le fonds vert. Cette enveloppe créée en 2020 pour appuyer les projets portés par les collectivités locales devait être amputée d’un tiers. Les vives inquiétudes des maires, laissés seuls en première ligne face aux conséquences du réchauffement climatique ont été entendues. Le fonds est finalement reconduit à l’identique, selon le média Contexte (à 1,124 milliard d’euros), sachant qu’il devra désormais financer le plan vélo et que les aides aux collectivités baissent de 2,2 milliards d’euros.

Le fonds dit « Barnier » sur les catastrophes naturelles est abondé (+75 millions d’euros à 300 millions) et la création d’un fonds territorial pour le climat et d’un fonds consacré à l’érosion côtière sont actées, avec des transferts de crédits d’autres programmes existants.

Insuffisant, pour Éva Sas : « L’État va toucher 450 millions d’euros de surprime catastrophes naturelles sur les contrats d’assurance, il n’en reversera que 300 millions au fonds pour la prévention des inondations et du retrait-gonflement des argiles. C’est pourtant crucial pour nous protéger des catastrophes climatiques qui sont de plus en plus fréquentes. »

 

Le plan vélo, totalement gelé en 2024, doit faire son retour en 2025 dans une version rapetissée. Ce programme d’aide aux collectivités locales pour la construction de pistes cyclables passe de 250 millions d’euros à 50 millions et se retrouve fondu dans le fonds vert. « On souhaite que ces 50 millions servent à aller repêcher tout ou partie des 400 projets prêts. À un an des élections municipales, l’important est d’être efficaces », dit Axel Lambert, porte-parole de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB). L’association a obtenu la garantie du ministère des Transports que cette somme serait fléchée vers le vélo, dans le cadre d’une future circulaire adressée aux préfets, qui distribuent l’argent du fonds vert.

Les transports devaient perdre au total 125 millions d’euros, selon les premières analyses du projet de loi de finances publié le 3 février à la mi-journée : « Il y a une baisse drastique des soutiens au niveau du transport malgré toutes les annonces depuis des années, comme le plan ferroviaire d’Élisabeth Borne », dénonce Christine Arrighi, députée écologiste de Haute-Garonne et rapporteuse spéciale sur la question des transports.

L’agriculture va perdre 541 millions d’euros de crédit et la politique de l’eau va être amputée de 100 millions d’euros par rapport à 2024, comme cela était redouté. De quoi pénaliser les travaux d’entretien et de modernisation des réseaux portés par les agences de l’eau.

  • Les agences de l’État devront supprimer des postes

L’Agence bio, dont la suppression a été un temps évoquée, est sauvegardée. Quant aux agences de l’État, qui sont nombreuses à travailler sur les sujets environnementaux et que François Bayrou avait qualifié de « labyrinthe […] incroyablement nuisible au développement du pays » lors de son discours de politique générale, le 14 janvier, elles subiront comme redouté des baisses d’effectifs.

Le 12 novembre, Reporterre dévoilait comment le gouvernement Barnier avait discrètement introduit des suppressions de postes dans les services des ministères de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires ainsi que dans leurs agences.

Ces chiffres ont été légèrement rehaussés depuis, d’après le pointage de la Fédération FO de l’équipement des transports et des services (FO Feets) : les agences de l’État perdent en 2025 un total de 228 postes, soit 1 % des emplois. Les infrastructures de transport perdent 122 équivalents temps plein (-2 %), les agences dédiées à l’environnement et à la biodiversité (Office français de la biodiversité, agences, parcs régionaux) perdent 36 emplois (-0,6 %) et celles chargées des expertises (Cerema, Météo-France, IGN) sont amputées de 42 emplois (-0,6 %).

  • « Il ne sert à rien de retarder les efforts »

« Tout ce que nous avions réussi à cranter l’année dernière est touché, regrette Émeline Notari du Réseau Action Climat (RAC). Alors que nous devrions augmenter l’effort pour la transition écologique de 10 à 12 milliards d’euros par an, pour atteindre les objectifs que nous nous sommes nous-mêmes fixés, d’après le chiffrage de la commission Pisani-Mahfouz sur les incidences économiques de l’action pour le climat. Économiser ces sommes à court terme est ubuesque. »

C’est une des idées maîtresses de ce rapport commandé par Emmanuel Macron et rendu en mai 2023. Les auteurs précisaient qu’« il ne sert à rien de retarder les efforts au nom de la maîtrise de la dette publique. Sauf à parier sur la technologie, cela ne pourrait qu’accroître le coût pour les finances publiques et l’effort nécessaire les années suivantes pour atteindre nos objectifs climatiques ».

Le RAC prend néanmoins note de l’augmentation de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) et de celle sur les transactions financières, portée de 0,3 à 0,4 %, deux de ses revendications, même si cela reste à des niveaux qu’elle juge faibles.

Hors de l’écologie, c’est le ministère du Travail qui enregistre la plus forte baisse de crédits, avec une diminution de l’apprentissage, ainsi que l’aide publique au développement. La suppression annoncée de 4 000 postes à l’Éducation nationale est abandonnée et les crédits de l’aide médicale d’État (AME), eux aussi menacés, sont finalement maintenus à leur niveau de 2024. Enfin, le Service national universel (SNU) que le Sénat voulait supprimer est finalement préservé par la commission mixte paritaire, mais n’échappe pas à une diminution de son budget.

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