Polémique châteaux : L’édito de Dominique Delpiroux ( La Depêche du Midi du 28 /9/ 2025 )

« Juchés sur des crêtes, des éperons ou des pitons rocheux, […] chauffés à blanc par les étés, craquants de gel, battus par le cers et l’autan, repliés sur les lambeaux de leurs murailles monstrueuses, ils défient le temps et bravent les siècles. »

Dans les années 70, le chef de la rubrique culture à « La Dépêche du Dimanche » fait paraître une série d’articles sur ces ruines désolées qui n’intéressaient plus personne. Cela donnera ensuite un livre « Citadelles du vertige » et cet auteur, Michel Roquebert, deviendra le plus grand spécialiste de l’histoire du catharisme. Cet érudit, qui lisait le latin couramment s’est documenté dans les archives mêmes de l’Inquisition pour rédiger une véritable somme. Et que nous raconte-t-il ? Que les batailles et les sièges se sont bel et bien déroulés autour de places fortes tenues par les Cathares, à Lastours, Minerve ou Termes.

Ces livres ont suscité un énorme intérêt à travers la région, qui a redécouvert un épisode épique de son passé. On a alors retapé ces précieuses ruines, qui croulaient sous les ronces, et les touristes sont venus frissonner au bord des précipices. On a ressuscité une mémoire de cette croisade sanglante qui marqua l’Occitanie. On ne parle plus désormais ici que de « châteaux cathares ».

Aussi, apprendre que ce patrimoine sera « vendu » à l’Unesco sous l’appellation de « forteresses royales du Languedoc » semble relever… de l’hérésie

Certes, les pierres et les murs témoins de ces affrontements sanglants ont parfois disparu. Il ne reste rien du château originel de Montségur et sur le « pog », c’est bien un ouvrage de guet construit par la royauté qui l’a remplacé. À Puivert, la bâtisse a été reconstruite de nombreuses fois après la Croisade et avant de devenir le décor de « La Neuvième porte ». Les bastions des « hérétiques » ont été récupérés, recalibrés, fortifiés sous la houlette royale. Techniquement, il est vrai, il n’y a plus beaucoup de « cathare » dans ces châteaux…

Faut-il pour autant les rebaptiser ? Et surtout : « Forteresses royales du Languedoc » ? L’appellation semble glorifier ceux qui ont écrasé dans le sang à la fois une religion et l’indépendance des seigneurs locaux. Et effacer d’un trait de plume les massacres et les bûchers.

L’Unesco serait-elle donc si tatillonne ? En quête de « vérité scientifique », mais en la matière, la vérité se situe-t-elle dans la réalité de pierres ajustées à telle époque plutôt que telle autre ou dans le récit des événements qui s’y sont déroulés ? Huit cents ans après la Croisade des Albigeois, Peyrepertuse, Puylaurens, Termes ou Montségur ne racontent aux visiteurs qu’une chose : l’épopée cathare.

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