À cause du manque de pluie et de températures trop douces, en Haute-Garonne, la sécheresse sévit. Depuis le 11 janvier, le département a été placé en alerte orange. « La sobriété doit être généralisée », dit un élu.
Le niveau de la Garonne ne trompe pas. À Toulouse, depuis les différents ponts qui enjambent le fleuve, des rochers et des petits îlots de terre sont à nu. Une situation normale durant l’été mais pas en plein hiver. « Début janvier, on avait un débit de l’ordre de 50 m3 par seconde dans la Garonne. C’est le tiers de ce qu’il devrait être. Cela correspond à un débit qu’on observe normalement fin juin ou début juillet » dit à Reporterre Jean-Michel Fabre, président du syndicat mixte d’études et d’aménagement de la Garonne (Smeag). Le manque de pluies conjugué aux températures trop élevées ne permettent pas aux sols et aux nappes souterraines de se recharger.
Chargé de surveiller la Garonne qui fournit de l’eau potable à un million de personnes, aux industries, aux installations hydroélectriques et aux agriculteurs, le Smeag a également la responsabilité de lâcher de l’eau en période d’étiage pour équilibrer les niveaux du fleuve, grâce à des barrages. « On va sûrement battre un record avec ces niveaux très bas pour un mois de janvier, et les réserves d’eau du Piémont sont remplies à moins de 20 % », continue celui qui est aussi vice-président du conseil départemental, chargé de l’Environnement.
Selon Simon Mittelberger, climatologue à Météo France, « l’année 2022 à été la troisième année la plus sèche de l’histoire en Haute-Garonne. Il y a eu 600 millimètres de précipitations alors qu’on en a normalement 830 ». Le déficit pluviométrique n’est pas le seul responsable de cette sécheresse, les températures ont également atteint des records en 2022 dans la région, et continuent d’être anormalement douces cet hiver. « En Haute-Garonne, 2022 a été l’année la plus chaude enregistrée. Ce qui est marquant c’est que la région a explosé le record de 2020 avec près d’1 °C d’écart », explique Simon Mittelberger.
Chaleur oblige, les plantes pompent l’eau même en hiver
La chaleur entraîne en effet, logiquement, une évaporation plus importante. « La végétation va également entrer en dormance plus tard dans l’année, c’est-à-dire qu’elle va rester active sur les mois d’automne et continuer à puiser de l’eau dans les sols », explique le climatologue. « C’est normalement durant les mois d’automne et d’hiver que les sols se réhumidifient. L’état actuel des sols montre qu’on a entre 1 mois et demi et 2 mois de retard sur cette humidification. »
Le monde agricole s’inquiète également de cette situation. « En hiver, c’est déjà alarmant, alors si le printemps n’est pas plus humide, il n’y aura aucune réserve tampon pour nous aider à passer les périodes critiques durant l’été », dit à Reporterre Cédric Sague, porte-parole de la Confédération Paysanne en Haute-Garonne et éleveur au pied de la station du Mourtis dans les Pyrénées.
« Nous avons lancé une expérimentation inédite en Europe »
Pour Jean-Michel Fabre, président du Smeag, « ce serait irresponsable » de ne pas agir tout de suite. « C’est une situation catastrophique mais qui ne doit pas nous paralyser, on doit accélérer les mesures mises en place. » Depuis le 11 janvier, le département de la Haute-Garonne a été placé en alerte orange pour la sécheresse. Des restrictions de prélèvement d’eau à des fins agricoles ont été mises en place mais également des limitations pour l’arrosage des jardins, des golfs, voitures, etc. « La sobriété doit être généralisée », affirme Jean-Michel Fabre. Qui détaille la « vaste concertation citoyenne » ayant aboutie à des mesures de préservation de la ressource. « Nous avons par exemple lancé une expérimentation inédite en Europe pour recharger des nappes phréatiques grâce aux surplus de certains canaux. Il faut agir concrètement plutôt que d’attendre la pluie. » Il rajoute : « Il ne faut pas se dire que l’année 2022 a été exceptionnelle. Elle va devenir la norme. On doit se préparer et apprendre collectivement à gérer nos ressources. »
Petite note d’espoir, même si les signaux sont au rouge, le climatologue Simon Mittelberger explique que « s’il neige beaucoup dans les Pyrénées dans les semaines à venir et qu’il pleut en plaine, les réserves d’eau pourront à nouveau se remplir et atteindre un niveau normal pour la saison ».