Avec la sécheresse hivernale, le lac artificiel de Montbel est à nu. Une situation extrêmement préoccupante, pour un lac qui doit notamment soutenir les besoins en eau de l’agriculture.
Montbel (Ariège), reportage
« Désormais, c’est certain, on ne pourra pas remplir le lac avant l’été. » Perché sur le barrage de Montbel, soumis aux vents particulièrement soutenus dans la région, Xavier Rouja sait de quoi il parle. Responsable d’exploitation pour le Syndicat mixte départemental de l’eau et de l’assainissement de l’Ariège (SMDEA), il travaille ici depuis plus de vingt ans. En haut de cette infrastructure, construite en même temps que le lac dans les années 80, le constat est frappant tant le niveau de l’eau est au plus bas. « Cette année est exceptionnelle, c’est le troisième hiver le plus sec jamais enregistré », explique-t-il.
Chaque année, ce lac artificiel se vide et se remplit. Cette réserve d’eau de 60 millions de mètres cubes est exclusivement alimentée par une dérivation de l’Hers-Vif, la rivière qui contourne le lac. Le réservoir de Montbel permet ainsi de stocker l’eau et de la relâcher pour répondre à différents besoins, principalement celui de soutenir les prélèvements des agriculteurs pour l’irrigation. C’est en effet une réserve d’eau pour plus de 500 irrigants et 13 000 hectares de cultures.
Dans son bureau, situé dans une tour en béton qui surplombe le barrage, Xavier Rouja vérifie ses courbes. « On ne peut pas remplir le barrage si la rivière est à un niveau trop bas. On doit maintenir un débit minimum de 1,200 litres par seconde dans l’Hers-Vif et là, on voit qu’elle se situe à peu près à ce niveau », constate celui qui commande le remplissage et les lâchers d’eau. Et d’ajouter, en pointant du doigt son ordinateur : « Actuellement, le lac est rempli à 23 % alors qu’on est normalement à 60 % de remplissage à cette période de l’année. C’est préoccupant. »
Ne pas « foncer droit dans le mur »
La pluie se fait toujours attendre en Ariège et dans toute l’Occitanie. Avec un déficit pluviométrique de 80 % pour le seul mois de février, Xavier Rouja affirme que ce retard ne pourra pas être comblé d’ici le mois de juin et la fin de la période de remplissage du lac, même en cas de précipitations importantes. « Ce qui est particulier cette année, c’est que la sécheresse dure depuis neuf mois. On a également très peu de neige dans les Pyrénées et on ne va pas pouvoir compter sur la fonte à partir du mois de mars pour alimenter les rivières. »
Sur les berges du lac, Lilian et Joseph, deux membres du collectif À pas de loutre, qui s’oppose à l’installation de chalets de luxe au bord de l’eau, observent les dégâts de la sécheresse. « C’est triste de voir le lac dans cet état », déplore Joseph, un habitant de Léran, une commune à l’est du lac. Ce naturaliste pointe du doigt la sécheresse, mais tient également à soulever une autre problématique : « C’est une mégabassine, on cherche principalement à remplir ce lac pour soutenir les besoins en irrigation de grandes cultures, qui sont trop gourmandes en eau, notamment le maïs ou le soja. »
Lilian, un autre militant du collectif, est également de cet avis : « Je pense qu’il faut s’interroger sur nos modèles agricoles et repenser notre manière de produire, plutôt que de foncer droit dans le mur et de chercher de nouvelles manières pour remplir le lac. »
D’autres pistes sont effectivement envisagées pour assurer un remplissage pérenne du lac, notamment en dérivant une autre rivière, le Touyre, qui passe dans la commune de Léran. Ce projet est très contesté par les associations écologistes qui voient une « menace » pour les milieux aquatiques et un nouveau dérèglement du cycle naturel de l’eau.
Face à cette situation « très préoccupante » et une sécheresse qui perdure, Xavier Rouja, le responsable d’exploitation du barrage, assure que plusieurs « scénarios de crise » sont sur la table, « notamment des restrictions de prélèvements pour les agriculteurs, mais aussi un abaissement des débits d’objectifs d’étiage (DOE) dans les rivières ».