Les Soulèvements de la Terre contestent leur dissolution par le gouvernement avec le soutien d’associations et partis politiques. Le Conseil d’État examinera le 8 août le référé suspension déposé par le mouvement.
Du 3 au 6 août, près de 150 collectifs des luttes locales de France se réunissent au Larzac. La rédaction de Reporterre est sur place pour vous faire vivre ce rassemblement historique .
La Couvertoirade (Aveyron), reportage
L’affaire est inédite de bout en bout. D’abord, il y a eu la dissolution du mouvement écologiste Les Soulèvements de la Terre, annoncée par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, et validée par la publication d’un décret le 21 juin.
«C’est la première fois qu’un mouvement aussi important est dissous, rappelle Me Sébastien Mabile, avocat spécialiste droit de l’environnement, lors d’une conférence de presse le 4 août. Plus de 150 000 personnes se revendiquent publiquement [par la signature d’une pétition] membres des Soulèvements de la Terre.»
Puis est venu le temps de la contestation. Le 26 juillet, un premier référé suspension a été déposé devant le Conseil d’État. Il s’agit d’une procédure d’urgence, pour demander à la haute juridiction la suspension immédiate du décret, le temps d’examiner au fond la légalité de la dissolution. La date d’audience a été fixée au 8 août — un choix encore inhabituel, ce genre d’événements se déroulant rarement au beau milieu de l’été.
«On soutient les Soulèvements de la Terre parce que c’est une évidence»
«Une première requête a été déposée par sept personnes, au nom du mouvement des Soulèvements de la Terre», dit Basile Dutertre, l’une des «voix» du collectif. Parmi ces personnalités : l’anthropologue Philippe Descola, le réalisateur Cyril Dion, et Youlie Yamamoto, porte-parole d’Attac France. «Nous ne sommes pas une association, une organisation ou un parti politique, insiste Basile Dutertre. Nous sommes un mouvement très diffus qui s’organise en assemblée, avec des comités.»
Mais ce n’est pas tout. Des associations — parmi lesquelles Bloom, Notre affaire à tous et Agir pour l’environnement — puis des partis politiques (Europe Écologie — Les Verts et La France insoumise) ont également déposé des «interventions volontaires» auprès du Conseil d’État. Autrement dit, alors que ces organisations n’étaient pas concernées jusque-là par la procédure de dissolution, elles ont choisi de participer au recours juridique.
«On soutient les Soulèvements de la Terre parce que c’est une évidence, explique Alessandro Manzotti, de l’association Bloom. Nous sommes dans un moment de crise environnementale, où l’effondrement de la biodiversité et l’effondrement du climat ne sont pas s’arrêter. Aujourd’hui, attaquer les groupes qui luttent pour un futur plus souhaitable, c’est juste une manière pour le gouvernement de se cacher face à l’évidence.» «C’est normal d’être aujourd’hui à leurs côtés», approuve l’eurodéputée écologiste Marie Toussaint.
Et les recours vont continuer de pleuvoir jusqu’au 8 août. «Un premier référé va être déposé de manière imminente par le syndicat des avocats de France, affirme Basile Dutrertre. Un second le sera par les organisations environnementales Alternatiba, Les Amis de la Terre France et Greenpeace France.»
«Même si on n’est pas directement visés par la dissolution, on considère que cette décision de dissolution va avoir des impacts extrêmement négatifs sur l’ensemble du secteur associatif, du mouvement écologiste, et donc de nos organisations», développe Frédéric Amiel, coordinateur général des Amis de la Terre France.
Il poursuit : «Nous joindre à cette procédure, c’est non seulement soutenir les Soulèvements de la Terre — qui est un mouvement indispensable, dont on se revendique — mais c’est aussi engager un bras de fer, un combat pour les libertés publiques et les libertés associatives en général.»
C’est d’ailleurs ces arguments qui seront présentés devant le Conseil d’État le 8 août. Alors que le gouvernement reproche aux Soulèvements de la Terre d’être un «groupement» «provoquant à des agissements violents contre les personnes et les biens», ses membres et ses soutiens réfutent en bloc. «Juridiquement, les violences contre les biens, ça n’existe pas», commence Basile Dutertre.
Liberté d’expression
«On reproche aux Soulèvements de la Terre d’avoir diffusé des vidéos et des appels [à des actions de blocage], ce qui relève de la liberté d’expression, poursuit Me Sébastien Mabile. Cette mesure de dissolution administrative vise à contourner une expression qui est toujours restée dans les limites admissibles de la liberté d’expression, puisque les Soulèvements de la Terre n’ont fait l’objet d’aucune procédure en diffamation, aucune procédure en injure.»
Selon l’avocat, la dissolution du mouvement est une censure de l’expression d’un «mouvement pluraliste, innovant, composite, hétéroclite», ce qui est une atteinte à la liberté d’expression et à la liberté d’association.
50 000 adhésions depuis la dissolution
En plus de tous ces recours groupés, les Soulèvements de la Terre avaient invité «l’ensemble des personnes qui se reconnaissent dans ce mouvement» à porter des requêtes individuelles. «Le Conseil d’État a été submergé, noyé sous les requêtes», affirme Basile Dutertre, avançant le chiffre de plusieurs centaines par jour.
Toutefois, le Conseil d’État a choisi d’écarter toutes ces requêtes individuelles, pour n’en garder qu’une. «Il y a 20 000 personnes qui s’étaient portées volontaires pour faire des requêtes individuelles. Ce n’est pas la moindre des censures de n’en accepter qu’une», critique Benoît Feuillu, une autre «voix» des Soulèvements de la Terre.
«Il paraît de plus en plus surréaliste d’imaginer que ce mouvement s’arrête», affirme-t-il. Selon lui, 50 000 nouvelles personnes ont adhéré aux Soulèvements de la Terre depuis la dissolution. Un chiffre qui pourrait encore augmenter d’ici l’audience au Conseil d’État. Le 4 août, une soirée de soutien au mouvement était justement organisée aux rencontres des luttes locales Les Résistantes, dans le Larzac.