Dans un texte envoyé aux rédactions, l’ancienne ministre de la justice Christiane Taubira affirme sa solidarité avec la population de l’archipel du pacifique, rappelle son histoire coloniale et dénonce « l’amateurisme » et le « cynisme » de l’Etat français.
New Caledonia, décida James Cook, nostalgique de son Ecosse natale.
Kanaky, répondent obstinément celles et ceux qui vivaient là, avant qu’on ne « découvrît » leur archipel.
Pacifique, dit obstinément l’océan.
Un peuple en ces lieux refuse de décliner, de dépérir, de s’éteindre.
Ou simplement, de se faner, de renoncer à lui-même.
Ils sont ainsi, les peuples : attachés à leurs racines, leurs cultures, leurs mythes, leurs histoires. Leur
géographie. Louise Michel en convenait.
Peut-on dire que tous les morts se pleurent. Tous. Tous âges. Toutes couleurs. Toutes vies. On peut le
dire. On doit le dire. A fortiori la parole publique.
Peut-on dire que les images sont désastreuses. Que ce ne peut être le fruit du hasard, cette ligne de
couleur : dans les manifestations, puis les barrages, les émeutes, les résidences, les quartiers, les villes.
On le voit. On le sait. On doit le dire.
On ne sort de l’histoire coloniale, de l’empire colonial, des séquelles coloniales, des vestiges coloniaux,
des stigmates coloniaux, des mécanismes et des engrenages, on n’en sort que par la rupture.
On a essayé autre chose. Ici et là : en Amérique, aux Caraïbes, en océan indien.
A-t-on eu tort ?
On : pronom impersonnel.
La liberté, en majuscule, garde une saveur impérissable. L’autorité sur son propre destin est inestimable.
Il faut de la grandeur d’âme. Ne pas louvoyer avec la vérité. Michel Rocard l’avait compris. Il faut
consentir aux efforts, clarifier les malentendus, laisser essaimer les entre-deux, composer avec
l’inachevé. Renoncer un peu pour espérer beaucoup. Jean-Marie Tjibaou en est mort.
La dénégation, candide ou lâche, n’est pas une voie. Les forfanteries d’Etat sont stérile provocation et
infantilisme. Et dans ces cas-là, l’amateurisme est un cynisme.
L’Histoire est têtue. L’avenir peut être fertile.
De partout nous sommes solidaires de toutes celles et ceux qui, là, maintenant, sur cette terre kanake en
ébullition, envers et contre tout, refusent l’injustice et les inégalités, récusent ce destin de désespoir et
de violence. Refusent de le subir. Refusent de l’infliger. Egalité et fraternité ?
Responsabilité.