« Une légitimation des atrocités commises »

Jean-Pierre Laval, président de l’association Pais Nostre et militant occitan, n’en démord pas, la dénomination « royale » pose un sérieux problème moral aux Occitanistes. Il s’en explique.
Aguilar, Carcassonne, Lastours, Montségur, Peyrepertuse, Puilaurens, Quéribus et Termes, huit monuments qui forment un seul et même ensemble architectural exceptionnel. Courant de l’été 2026, la décision sera prise pour savoir si lesdites forteresses royales du Languedoc intégreront oui ou non le patrimoine mondial de l’Unesco.
Jean-Pierre Laval est un défenseur du patrimoine occitan. Président de l’association Pais Nostre, il œuvre depuis des années à la préservation de la culture occitane sous toutes ses formes. Ainsi, la candidature des forteresses royales du Languedoc, désormais dans une phase d’évaluation par l’Icomos – l’organisme expert auprès de l’Unesco –, n’a jamais vraiment dérangé au sein de Pais Nostre. « Bien au contraire, tout ce qui peut mettre en valeur le patrimoine occitan est une bonne chose. Ce n’est pas là que le bât blesse. »
La dénomination desdites forteresses royales n’a quant à elle toujours pas été digérée. « Châteaux cathares, ça nous convenait très bien, citadelles du vertige également. Pourquoi pas, ça attise la curiosité. En revanche, « forteresses royales », on ne peut décemment pas accepter ça. »
Rappel historique des faits : depuis l’an mille et jusqu’en 1244, de nouveaux courants religieux font leur apparition dans le Midi, en marge de la doctrine chrétienne établie par l’Église. Perçu comme une hérésie, le catharisme sera sévèrement réprimé par la couronne de France et le pape Innocent III, ce dernier lançant même une croisade envers les « parfaits », les adeptes de cette nouvelle croyance
« Ce sont des milliers, des dizaines de milliers de personnes qui seront massacrées tout au long de la croisade contre les Albigeois. Des gens du Midi qui ont été brûlés, suppliciés, puis brûlés à nouveau, car on les pensait possédés par le diable. Ces persécutions, ces horreurs perpétrées, c’est aussi ça la monarchie française. Or, donner le nom de « royales » à ces forteresses, notamment à Montségur le 16 mars 1244, c’est légitimer les actes de l’envahisseur et les atrocités du conquérant. »
En parallèle, Jean-Pierre Laval ne remet pas en cause la paternité de la rénovation des forteresses dites royales. « Effectivement, les rénovations des forteresses sont l’œuvre du roi, pour fortifier sa frontière au sud avec l’Aragon. Maintenant, peu importent les pierres, nous parlons d’un devoir mémoriel. De crimes contre l’humanité. Contre des hommes mais aussi des femmes et des enfants. Nos ancêtres occitans qui ont été massacrés pour des enjeux pas uniquement religieux mais aussi politiques, puisque c’est comme ça que la couronne de France a conquis l’intégralité du Languedoc. »
« Le terme « royal » est une erreur politique », n’en démord pas Jean-Pierre Laval. « C’est un remaniement total de l’histoire. C’est heurter la conscience occitane et insulter la mémoire des victimes de l’inquisition et du pouvoir royal. À titre de comparaison, si demain Poutine s’empare de l’Ukraine, appellera-t-on ça la terre des Russes ? C’est complètement schizophrénique, on enlève le terme « Cathare » de partout mais on continue à promouvoir la marque. De notre côté, chaque année le 16 mars, nous nous regroupons à Montségur avec les Occitanistes de toute la région pour honorer la mémoire de nos ancêtres. »