Réintroduction de pesticides, mégabassines, allègement des contrôles… Presque toutes les demandes de l’agro-industrie ont été intégrées à la proposition de loi Duplomb, entérinée en commission mixte paritaire.
Fumée blanche, mais toxique, pour la loi Duplomb. Réunis à huis clos en commission mixte paritaire (CMP) lundi 30 juin, 7 députés et 7 sénateurs se sont à nouveau penchés sur cette proposition de loi controversée, soutenue par le gouvernement. À l’arrivée, le texte « conserve toutes les dispositions les plus dangereuses », regrette la députée insoumise Aurélie Trouvé, membre de cette CMP.
Réautorisation de l’acétamipride, facilitations pour la construction de fermes-usines et de mégabassines, mise sous tutelle de l’Office français de la biodiversité… « La seule victoire, c’est que l’Anses [l’Agence nationale de sécurité sanitaire, chargée d’homologuer les pesticides] demeure protégée, indépendante », remarque le député socialiste Dominique Potier, également membre de la CMP. Initialement, les sénateurs de droite espéraient augmenter le contrôle du gouvernement sur l’instance.
Concernant l’acétamipride — ce néonicotinoïde toxique pour les pollinisateurs et extrêmement persistant dans l’environnement — les parlementaires ont décidé d’« une réintroduction sans limite avec une évaluation au bout de trois ans par un comité Théodule », dénonce Aurélie Trouvé. « C’est un pied dans la porte, remarque le sénateur socialiste Jean-Claude Tissot, aussi présent lors de la CMP. Les parlementaires de droite ont fait complètement fi des alertes des médecins et des scientifiques sur les effets sanitaires et environnementaux désastreux de cette mesure. »
« Négation des résultats scientifiques et du principe de précaution »
Le texte final reconnaît les retenues d’eau — mégabassines, retenues collinaires — comme d’« intérêt général majeur ». En revanche, la réglementation sur les zones humides n’a finalement pas été modifiée.
Pour le sénateur, « c’est un résultat affligeant, mais sans surprise. Nous n’étions que quatre parlementaires dans l’opposition : la droite, l’extrême droite et les macronistes ont tous voté en bloc. » Comme le relevait Mediapart, la CMP penchait franchement du côté des intérêts de l’agro-industrie, avec plusieurs anciens élus de la FNSEA et agriculteurs liés à des géants du secteur.
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« Il s’agit clairement d’une trumpisation de la classe politique, particulièrement de la droite et de la macronie qui s’alignent sur l’extrême droite », analyse Aurélie Trouvé, qui dénonce notamment « la négation des résultats scientifiques et du principe de précaution ». Pour Dominique Potier, ce texte s’inscrit dans « la bataille culturelle menée contre l’agroécologie ».
Encore un vote au Sénat et à l’Assemblée
« Cette loi-leurre nous distrait des vrais sujets agricoles que sont le partage de la valeur, de la terre et le changement climatique, insiste le député. Au final, c’est beaucoup de bruit et de fureur pour ne susciter que de nouvelles désillusions au sein du monde agricole. »
Du côté des défenseurs de la loi Duplomb, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard a été une des premières à saluer l’accord trouvé en CMP, « un signal fort, attendu et nécessaire, adressé à nos agriculteurs ». Sollicitée, la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher n’avait pas réagi au moment où nous publions cet article.
Mais « la bataille n’est pas terminée », veut croire Aurélie Trouvé. Le texte issu de la CMP doit encore être voté le 2 juillet par les sénateurs et le 8 juillet par les députés. « Chaque parlementaire devra se prononcer pour dire s’il vote, en conscience, pour le retour du poison des néonicotinoïdes », a réagi le parti Les Écologistes dans un communiqué qui appelle « toutes les citoyennes et tous les citoyens […] à tout faire pour convaincre les élus de rejeter ce texte ». Si la loi est adoptée, La France insoumise a d’ores et déjà annoncé qu’elle saisirait le Conseil constitutionnel.