Le président de la République a réuni le 25 septembre un nouveau conseil de planification écologique. À son issue, il a livré un discours décevant, recyclant des mesures et n’annonçant aucun véritable changement structurel.
L’entourage du président de la République avait espéré un « récit », la révélation d’une planification écologique prête à « embarquer » tous les Français dans l’aventure. Après des mois d’attente, il avait été envisagé que le chef de l’État prenne la parole en public dans un lieu « symbolique », comme la Cité des sciences et de l’industrie à Paris, qui abrite une exposition permanente sur l’urgence climatique. Finalement, la grand-messe s’est transformée en un discours à huis clos, filmé depuis l’Élysée et diffusé sur les réseaux sociaux.
Le 25 septembre, à l’issue du deuxième conseil de planification écologique — qui a réuni plus d’une quinzaine de ministres — Emmanuel Macron était censé détailler sa « feuille de route » pour atteindre une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre en France d’ici à 2030, par rapport à 1990. Mais au lieu de se livrer à un exercice de projection concrète, en imaginant quelles pourraient être nos nouvelles façons de manger ou de nous déplacer dans dix ans — bref, à quoi pourraient ressembler des modes de vie plus sobres —, le chef de l’État a surtout évoqué des mesures qui avaient déjà été annoncées auparavant.
RER métropolitains, sortie du charbon…
Il y avait par exemple une sensation de déjà-vu, quand Emmanuel Macron a évoqué le développement de treize projets de RER métropolitains. Certes, il a dévoilé l’engagement « dès aujourd’hui » de « 700 millions d’euros de l’État » pour accompagner ces chantiers, et la signature de contrats de plan État-Région « dès octobre ». Mais cette mesure avait déjà été mise sur la table en novembre 2022, au moment où le président de la République publiait compulsivement des « foires aux questions » sur YouTube.
« Ça fait quatre fois que j’entends la même annonce, a ironisé Marine Tondelier, secrétaire nationale d’Europe Écologie-Les Verts (EELV), interrogée sur Franceinfo. Ce sont des promesses qu’on nous fait depuis des années. C’est bien d’annoncer, maintenant il faut le faire. » Sollicité, l’Élysée n’a pas détaillé quelles seront les treize villes concernées.
De la même manière, Emmanuel Macron a répété des propos prononcés la veille, alors qu’il était l’invité du 20 heures de TF1 et de France 2 : il a déclaré que la France allait être « totalement sortie du charbon pour la production de notre électricité » d’ici au 1er janvier 2027. « [C’est] la priorité que nous nous sommes donnée pour le pays et que nous allons porter à l’Europe et à l’international, a-t-il réaffirmé le 25 septembre. La France sera en avance sur ce rendez-vous grâce à cette stratégie. »
Pourtant, dès novembre 2018, le chef de l’État avait annoncé que la France allait fermer l’ensemble de ses centrales à charbon d’ici… 2022. Or les centrales de Cordemais (Loire-Atlantique) et Saint-Avold (Moselle) sont encore en fonctionnement aujourd’hui. « Il reporte ses engagements et il vient nous dire “C’est génial, regardez l’avancée qu’on va faire” », a critiqué Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise (LFI), au micro de BFMTV.
En outre, si Emmanuel Macron a affirmé vouloir passer de 60 % d’énergie d’origine fossile à 40 % d’ici à 2030, il n’a pas annoncé de date de sortie du pétrole ou du gaz, se concentrant uniquement sur le charbon. « Pourtant le charbon pour la production électrique ne représente que 0,6 % des émissions de CO2 françaises, a réagi l’ONG Greenpeace France sur X (anciennement Twitter). C’est le pétrole et le gaz fossile qui sont de très loin les principales sources d’émissions de gaz à effet de serre en France ! »
« Une écologie à la française »
Pendant plus de vingt-cinq minutes de discours, le président a tenté tant bien que mal de définir son projet. De se donner une patte, une signature, en décrivant ce qu’il a appelé une « écologie à la française » — une nouvelle expression, déjà dégainée la veille lors de son interview accordée à TF1 et France 2.
Le président veut donc une « écologie basée sur la science et sur les résultats objectifs », qui prend en compte la question du climat, de la biodiversité et des « ressources » (eau, matériaux, terres rares, etc.). Une « écologie souveraine », où la France reprendra la main sur sa production d’énergie — il a annoncé par la même occasion la mise en consultation de la politique pluriannuelle de l’énergie « dès octobre », le lancement d’un débat public sur l’éolien en mer, et une « loi sur la production d’énergie pour le mois de décembre ». Sans davantage de précision sur ce dernier point, qui n’était pas connu sous ce nom jusqu’ici.
Surtout, il a plaidé pour une « écologie compétitive », « qui crée de la valeur économique ». Le chef de l’État a ainsi évoqué l’objectif de produire sur le sol français au moins 1 million de voitures électriques d’ici 2027 et 1 million de pompes à chaleur. Emmanuel Macron a également insisté : il ne veut pas de contraintes. Sur les chaudières à gaz par exemple, il préfère inciter les citoyens à en changer rapidement plutôt que les interdire. « Ça n’est ni une écologie du déni, ni une écologie de la cure qui serait incompatible avec la tenue d’un modèle productif et social qui est le nôtre », a-t-il résumé.
Dernier volet de sa définition : une « écologie accessible et juste ». Dans cette optique, Emmanuel Macron a annoncé un dispositif de leasing (location avec option d’achat) de véhicules électriques à 100 euros par mois — en préréservation à partir du mois de novembre « pour les ménages les plus modestes », précise l’Élysée. De la même manière, le président a promis de « mieux accompagner les ménages les plus modestes, mais aussi les familles moyennes » dans la rénovation thermique de leur logement — sans donner cette fois de chiffres précis ou d’objectifs concrets.
Pas de véritables changements
Emmanuel Macron a confirmé le chiffre déjà connu de 7 milliards d’euros supplémentaires débloqués en 2024, portant le budget de la transition écologique de 33 milliards d’euros en 2023 à 40 milliards d’euros en 2024. Mais, parmi les mesures évoquées dans son discours, rien ne ressemblait à un vrai changement de « récit », à une rupture avec le néolibéralisme, la croissance et nos modes de vie actuels. Alors que le Giec [1] le rappelle dans chaque rapport : nous ne pouvons pas continuer à vivre comme nous le faisons aujourd’hui si nous voulons réduire nos émissions de gaz à effet de serre.
Au lieu de chercher des alternatives à la voiture individuelle par exemple, Emmanuel Macron a systématiquement proposé le véhicule électrique comme solution magique. « On est attaché à la bagnole, on aime la bagnole. Et moi je l’adore », a-t-il même déclaré le 24 septembre, durant son interview au 20 heures de France 2 et de TF1. Rien non plus sur la nécessaire réduction de consommation de la viande, ou plus globalement sur la nécessité d’une agriculture plus vertueuse. Le chef de l’État a seulement annoncé un objectif de « baisse de 30 % » d’utilisation des produits phytosanitaires dans les champs.
« [C’est] une écologie qui a aussi pour principe d’être acceptable, accessible à tous, et qui ne cherche pas, au contraire de certains, à provoquer des ruptures, des oppositions ou des clivages, mais qui vise à rassembler, à rendre possible toutes ces transformations qui sont extrêmement importantes », a précisé l’Élysée à l’issue de la prise de parole d’Emmanuel Macron.
À gauche comme à droite, le discours — qui était attendu de pied ferme, puisqu’il était initialement prévu le 5 juillet, avant d’être maintes fois reporté — n’a pas convaincu. « On a un président qui nous parle d’écologie à la française, mais on a l’impression que l’écologie à la française, c’est qu’il faut rien changer », a fustigé Marine Tondelier (EELV) sur Franceinfo. De son côté, Antoine Vermorel-Marques, député Les Républicains et « référent écologie » pour le parti, s’est dit « terriblement déçu » dans un communiqué. « On nous avait vendu une stratégie d’ensemble, avec des actions concrètes et surtout un plan de financement, a-t-il écrit. Nous nous retrouvons dans un inventaire à la Prévert, sans aucun financement et sans aucune loi annoncée. »
La route est pourtant encore longue, et l’échéance de plus en plus proche. Même si Emmanuel Macron s’est vanté d’avoir « réduit nos émissions de CO2 deux fois plus vite qu’auparavant », le compte n’y est toujours pas. Comme l’a rappelé l’Observatoire Climat-Énergie le 14 septembre, la France est toujours en dessous de certains de ses objectifs. Et 2030 est dans sept ans.