» Les leçons des langues créoles  » une chronique de Michel Feltin-Palas

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Le 28 octobre a lieu la journée Internationale de la langue et de la culture créoles. L’occasion de se pencher sur les langues de France les plus pratiquées aujourd’hui.

Ce sont les plus jeunes des langues de France, ce sont aussi les plus dynamiques. Aux Antilles, en Guyane, à la Réunion, les créoles seraient parlés par près de 90 % de la population. Des chiffres à faire rêver les amoureux des langues régionales de métropole. En Bretagne, par exemple, le chiffre est de l’ordre de 5 %, que ce soit pour le breton ou pour le gallo…

En Outre-mer comme ailleurs, seul le français a le statut de langue officielle. « Globalement, le français est la langue de l’administration, de l’école et des institutions tandis que les créoles dominent dans les familles et les conversations informelles », résume Xavier North, l’ancien délégué à la langue française et aux langues de France. Toutefois, le créole a fait son apparition à l’école et est largement présent à la radio et à la télévision. « On assiste depuis quelque temps à une valorisation institutionnelle de ces langues », relève la sociolinguiste Sylvie Wharton. Il arrive même que les préfets y recourent pour mener des campagnes en faveur de la sécurité routière, une pratique qui ferait sans doute hurler si elle était appliquée en Corse ou en Provence…

L’histoire de ces langues, nées de la rencontre des colons et des anciens esclaves transportés d’Afrique, est extraordinaire. Leur vocabulaire, pour l’essentiel, provient des langues des colonisateurs (espagnol, anglais, néerlandais, français). Leur grammaire, elle, a connu des influences africaines, tout en développant des créations originales. Chacune a développé des spécificités propres, dont la richesse et l’originalité fascinent la communauté des linguistes. Et tous insistent sur un point : en aucun cas, il ne s’agit de simples variantes de la « langue du maître », mais bien de langues à part entière.

Pourtant, les mentalités ont encore du mal à suivre. En raison de l’histoire, d’abord : longtemps, les créoles ont eu droit à la douce appellation de « français corrompu » ou de « baragouin »… L’attitude de l’Etat, qui a fait du français la seule langue de la réussite sociale, n’a rien arrangé. « Les familles sont encore souvent réticentes à l’introduction du créole à l’école », note le linguiste Daniel Véronique.

Les choses, cependant, évoluent. La publication de poèmes, de pièces de théâtre, de romans, d’essais, de chansons en créoles contribue à faire peu à peu reculer les clichés, tout comme la création d’un Capes. Ce passage à l’écrit contribue à modifier la représentation des locuteurs, restée longtemps négative. « Au départ, pour conquérir le droit à la parole, les écrivains antillais ont surtout cherché à prouver leur maîtrise du français. Aujourd’hui, la littérature créole se développe de manière plus apaisée », relève Corinne Mencé-Caster, professeur de linguistique hispanique et elle-même romancière.

Ce début de reconnaissance ne demanderait qu’à être amplifié, mais les résistances restent fortes. « J’ai proposé au recteur que la Martinique devienne trilingue en enseignant depuis la maternelle le français, le créole et l’anglais, explique Sylvia Saïthsoothane, l’élue chargée de l’éducation au sein de la collectivité territoriale de Martinique. Il m’a dit oui pour l’anglais. J’attends encore sa réponse pour le créole…

MICHEL FELTIN-PALAS ( L’EXPRESS ) .

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