Coupures d’électricité cet hiver : le point avec REPORTERRE

Le gouvernement pourrait procéder à des coupures d’électricité cet hiver. Près de 60 % de la population pourrait être concernée. Comment cela va-t-il se passer ?

Pour la première fois cet hiver, nous pourrions avoir des coupures d’électricité imposées. La Première ministre Élisabeth Borne enverra samedi 3 décembre une circulaire demandant aux préfets de se préparer à une telle situation, selon les informations d’Europe 1. Près de 60 % de la population pourrait être concernée. Reporterre fait le point.

• Pourquoi en sommes-nous arrivés là ?

Cela fait plusieurs semaines que le réseau de transport d’électricité (RTE) tire la sonnette d’alarme. Le 18 novembre dernier, le gestionnaire avait alerté sur un risque élevé de tension en janvier prochain. En effet, presque la moitié du parc nucléaire, soit vingt-trois réacteurs, est encore à l’arrêt. En cause, un calendrier de maintenance très chargé (conséquence des retards pris pendant la pandémie) et plusieurs cas de fissures relevés sur des circuits essentiels au fonctionnement des centrales. L’hiver dernier, dix-sept réacteurs étaient inactifs sans que cela n’entraîne de coupure.

RTE met en garde depuis bien longtemps contre une pénurie électrique hivernale. « Ce n’est pas quelque chose qui nous tombe dessus sans que l’on ait eu le temps d’y réfléchir, explique Nadia Ziane, de l’association Familles rurales, qui travaille notamment sur les questions de précarité énergétique. On en veut un peu à l’État, qui n’a pas assez creusé la question du mix énergétique et qui a érigé l’électricité comme première énergie de chauffage. Il ne faut alors pas s’étonner que cela ne tienne plus. »

• Qui sera concerné ?

Selon la circulaire du gouvernement, près de 60 % de la population française pourrait subir ces coupures d’électricité. Seuls les clients prioritaires seront épargnés. 14 000 sites ont été définis : gendarmeries, casernes de pompiers, commissariats, hôpitaux et certains sites industriels. Cette liste confidentielle sera établie par les préfets. Les seuls foyers qui se trouvent sur la même ligne électrique que ces clients prioritaires seront épargnés. Mais d’autres exceptions sont-elles à prévoir ? Qu’en sera-t-il par exemple des feux de circulation ? De la circulation des trains ? Des remontées mécaniques dans les stations de ski ? Des situations étant pour l’instant réglées au cas par cas.

• Comment cela va-t-il se passer ?

Les coupures seront décidées par RTE, uniquement si les mesures de sobriété ne sont pas efficaces. La demande de délestage sera envoyée à Enedis qui coupera l’électricité aux heures de pointe : le matin entre 8 et 13 heures et le soir entre 18 et 20 heures. Le black-out durera deux heures d’affilée au maximum. Qui aura la malchance — ou la chance — de devoir dîner à la bougie ? Cela n’a pas encore été décidé. « Il s’agira de coupures tournantes appliquées sur l’ensemble du territoire », explique Enedis, sans pouvoir préciser quel territoire sera plongé dans le noir.

RTE a lancé EcoWatt, qui propose un système d’alerte en cas de coupure. © E.B / Reporterre

• Les numéros d’urgence aux abonnés absents ?

Ces coupures nous priveront d’internet, de téléphone. En effet, les antennes-relais des opérateurs téléphoniques ne sont pas considérées comme des clients prioritaires dans la liste définie conformément à l’arrêté du 5 juillet 1990. « À l’époque, les réseaux mobiles n’étaient pas identifiés comme prioritaires, explique-t-on chez Orange. Mais les préfets pourraient faire remonter certains sites dans la liste. Le résultat pourrait être inégal selon les régions. »

Plus grave, les numéros d’urgence pourraient ne plus fonctionner, s’est alarmée Christel Heydemann, la directrice générale d’Orange, devant la Commission des affaires économiques du Sénat. Seul le 112 resterait accessible quel que soit l’opérateur. Mais si vous êtes dans une zone où absolument toutes les antennes sont déconnectées, vous ne pourrez pas joindre les secours.

Si certaines antennes disposent de batteries, leur autonomie demeure limitée ; entre trente minutes et une heure pour celles d’Orange. Une fois l’électricité revenue, il faudra parfois l’intervention d’un technicien pour relancer l’antenne. La durée de la coupure pourrait donc largement dépasser les deux heures promises.

• Porter des cols roulés suffira-t-il pour éviter les coupures ?

Cela fait des semaines que le gouvernement multiplie les appels à la « sobriété » espérant que cela soit suffisant pour éviter ces délestages. « Jusqu’à la dernière seconde, si tous les Français font des écogestes, il n’y aura pas de coupure », affirme sur Franceinfo Xavier Piechaczyk, le président du directoire de RTE.

Pour mieux informer les consommateurs sur l’état du réseau, le gestionnaire d’électricité a lancé une application baptisée EcoWatt. Une sorte de plateforme météo de l’électricité, qui propose un système d’alerte en cas de coupure. Elle a été téléchargée 300 000 fois. Un chiffre qui reste insuffisant au regard de la population concernée et des 12 millions de Français déjà confrontés à la précarité énergétique. Mais surtout, ce système exclut celles et ceux qui n’ont pas de smartphone, comme le rappelle Nadia Ziane, de l’association Familles rurales : « 14 millions de ménages en situation d’illectronisme n’auront pas accès à ces informations. De plus, il s’agit à nouveau d’une numérisation d’un système d’alerte. Que fait-on face à toute cette population qui ne sait pas l’utiliser ? »

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