Le Parlement européen a sauvé le 12 juillet la loi sur la restauration de la nature, en amoindrissant son ambition environnementale.
Fumée verte au Parlement européen. Mercredi 12 juillet, les eurodéputés ont adopté, par 336 voix contre 300, la loi de restauration de la nature. Beaucoup ont salué une victoire pour le vivant. Mais à quel prix ? Car le texte, pour être adopté, a été vidé d’une grande part de son ambition environnementale. « C’est un sauvetage in extremis plutôt qu’un succès », estime ainsi Claire Nouvian, de l’ONG Bloom.
Exit les mesures immédiates de protection des océans ; exit l’extension des zones « à haute diversité » dans les champs ; exit l’objectif de restauration de 30 % des écosystèmes, pourtant approuvé lors du sommet mondial pour la biodiversité fin 2022. « La loi fixe des objectifs de restauration, mais laisse aux États le soin de prendre les mesures pour les atteindre, via des plans d’action, précise aussi Mme Nouvian. Or ce genre de mécanisme est inefficace. Les États traînent la patte, rechignent à la mise en œuvre. » Autrement dit, les intentions sont bonnes, mais les moyens insuffisants.
Alliance droite et extrême droite
L’eurodéputée écolo Marie Toussaint se dit cependant « soulagée » : « Ne pas perdre, c’est déjà une victoire », indique-t-elle. Jusqu’au dernier moment en effet, l’issue du scrutin a été incertaine. Le rejet en bloc du texte a été évité à treize voix près. Car depuis des mois, droite et extrême droite œuvrent pour saborder la loi.
« Il y a eu une alliance très claire de la droite et de l’extrême droite pour faire tomber le texte, rappelle Marie Toussaint, qui dénonce le rapprochement croissant des réactionnaires de tout poil, à travers le vieux continent. Il y a aussi cette idée que “l’environnement, ça commence à bien faire”. Dès que les règles environnementales touchent les intérêts économiques et les profits, il faudrait tout stopper. »
L’écologiste fustige ainsi le rôle « ambigu » d’Emmanuel Macron, qui a appelé il y a quelques mois à une « pause réglementaire » en matière environnementale. Pour Claire Nouvian, « le groupe Renew, de la droite libérale [auquel appartiennent les députés macronistes] a joué un rôle toxique. Ils étaient en position de faiseur de rois, et ils ont poussé pour amoindrir l’ambition du texte ».
« La bataille ne fait que commencer »
Après le vote du Parlement, place désormais aux négociations entre la Commission, les parlementaires et les États. Une fois adoptée, la loi sur la restauration de la nature pourrait avoir des effets concrets sur la réduction des pesticides, la replantation des haies, la restauration des tourbières… « Mais tout dépendra de la bonne volonté des gouvernements, regrette Swann Bommier, de l’ONG Bloom. Il faudra attendre les plans d’action de chaque pays, et on va perdre du temps alors que l’urgence climatique et écologique est là. »
Par exemple, la création d’aires marines strictement protégées dans les mers françaises n’est pas assurée, malgré la recommandation européenne : le gouvernement français n’y est pas favorable. « Il va falloir se battre pour que les États soient le plus ambitieux possible, précise M. Bommier. La bataille n’est pas du tout finie. Elle ne fait que commencer. »