Les abattages reprendront et les travaux se finiront, ont jubilé les défenseurs de l’A69 à la sortie de la réunion du 13 octobre. Face aux revendications des opposants, l’État s’est montré inflexible
« On s’attendait à un débat stérile, où tout est arrêté et décidé avant même que ne débutent les discussions. On n’a pas été déçu ! » Tamisées par les platanes du boulevard Georges Clémenceau, les lueurs du soleil couchant dansent sur le visage d’Olivier Chollet. Porte-parole du Groupe national de surveillance des arbres (GNSA), l’homme sort à peine de l’entrevue tant attendue avec les préfets d’Occitanie et du Tarn au sujet de l’A69. Et celle-ci n’a pas duré longtemps.
Le 13 octobre, six collectifs d’oppositions au projet autoroutier devant relier Toulouse à Castres étaient reçus à la sous-préfecture du Tarn. D’entrée de jeu, les militants accueillis ont fait part de leurs revendications : une suspension immédiate des travaux, une expertise sur l’utilité écologique et économique du projet, et la tenue d’un référendum populaire pour décider de l’avenir de celui-ci. « Bien sûr, ça n’est ni possible ni entendable à leurs yeux, rapporte l’une des représentantes. Nous avons donc décidé de quitter la pièce aussitôt. »
« Ce que l’on veut, c’est l’arrêt des destructions »
Aux arguments exposés par La Voie est libre (LVEL), France Nature Environnement (FNE), le GNSA, la Confédération paysanne, Attac et l’Union protection nature environnement du Tarn (Upnet), les services de l’État ont répondu « compensation environnementale » : « On refuse d’entrer dans ce jeu-là, poursuit Olivier Chollet. La compensation, ça n’existe pas, c’est une véritable escroquerie. Nous, ce que l’on veut, c’est l’arrêt des destructions. »
« Je ne plaçais aucun espoir en ce rendez-vous », assure Victoria. Trente jours durant, cette activiste au visage amaigri a mené une grève de la faim pour tenter d’interpeller l’État. Elle y a mis un terme le 11 octobre. « Non pas à la suite de l’annonce de cette réunion, mais simplement parce que nous étions à bout de forces. Nous avions de plus en plus peur qu’un drame se produise, et les gouvernants n’en avaient que faire de nos vies, se désole-t-elle. C’est d’une violence inouïe. »
Drapeaux et banderoles en mains, la cinquantaine de militants en poste devant l’enceinte de la sous-préfecture n’ont pas eu à attendre la sortie de leurs représentants pour deviner le contenu des échanges. Et pour cause, deux heures auparavant, une première réunion avait lieu avec les sénateurs, députés et maires concernés par le tracé de l’autoroute.
À leur sortie, les plus fervents défenseurs de l’autoroute ont été accueillis par une nuée de protestations. « C’est scandaleux ! » a hurlé une femme vêtue d’un gilet fluorescent floqué du blason de La Voie est libre. « No Macadam ! » a ensuite entonné en cœur la cohorte.
« Depuis que je suis élu, trois gamins sont morts sur un tronçon de la nationale d’un kilomètre et demi, a crié le maire de Puylaurens, Jean-Louis Hormière, la voix couverte par les huées. Avec une autoroute, il n’y aurait pas eu de morts ! » Le doigt pointé vers l’édile, un homme lui a rétorqué : « Et vous avez pensé à l’intensification du trafic en centre-ville quand tous ceux qui n’auront pas l’argent pour se payer le péage devront dévier leur route ? » Quelques policiers interviennent, pour empêcher le flot de militants d’apostropher plus longuement l’élu.
« Il a dit et répété que le chantier allait être mené à son terme »
Têtes baissées et pas pressés, d’autres hommes en costumes sont parvenus à s’extirper discrètement du bâtiment. Le député Renaissance du Tarn, Jean Terlier, a lui pris le temps d’apparaître sur les caméras : « Le préfet de la région Occitanie nous a assuré qu’il n’y aurait ni moratoire, ni suspension du projet. »
Une nouvelle réjouissante pour le maire de Mazamet, Olivier Fabre : « Il a dit et répété que le chantier allait être mené à son terme. C’est extrêmement rassurant et positif. » Quant à l’abattage des arbres, interroge une femme ? « Oui, il va bien sûr pouvoir reprendre. C’est une bonne nouvelle. »
Les deux hommes assurent toutefois qu’une « main tendue » a été proposée aux associations écologistes : « Libre à elles de la saisir ou non », poursuit Olivier Fabre. « Il a été évoqué la possibilité de créer une véloroute le long d’une voie verte, d’introduire un bus à tarif très réduit reliant Castres à Toulouse et de verdir le tracé… Cela nous permettra de travailler sereinement avec les collectifs », ajoute le député macroniste.
Encore un recours sur le fond
Si l’Insoumise, Anne Stambach-Terrenoir, députée de Haute-Garonne, est aujourd’hui persuadée que le projet se fera, elle a toutefois « senti une certaine fébrilité des décideurs » : « L’opposition est grandissante dans le pays et localement. Je note aussi que Carole Delga n’était pas là pour défendre son projet en personne. » Un signe clair qui, à ses yeux, peut être relié aux déclarations d’Olivier Faure. La veille, le premier secrétaire du Parti socialiste tournait le dos pour la première fois à sa collègue présidente de l’Occitanie, en déclarant être en faveur d’un moratoire sur l’A69.
La députée haut-garonnaise a par ailleurs appelé à laisser la justice trancher. Un recours sur le fond, concernant l’autorisation environnementale, est en train d’être examiné. Anne Stambach-Terrenoir demande donc la suspension provisoire des travaux. Une réclamation que les préfets du Tarn et de l’Occitanie ont assuré vouloir faire remonter au ministre délégué aux Transports, Clément Beaune. D’ici là, les militants promettent de faire de la mobilisation du 21 octobre, baptisée Ramdam sur le Macadam, une démonstration de rejet massif de ce projet qu’ils jugent anachronique.