Le Conseil d’État examine le 27 octobre la légalité de la dissolution des Soulèvements de la Terre, voulue par le ministre de l’Intérieur. L’issue de cette audience hautement symbolique est incertaine.
Le gouvernement va-t-il avoir le feu vert du Conseil d’État pour dissoudre Les Soulèvements de la Terre ? En a-t-il le droit ? Voici la question que vont examiner vendredi 27 octobre les juges de la plus haute juridiction administrative en France. Leur réponse sera « très importante et très commentée. Elle va rester comme l’une des grandes décisions du Conseil d’État », commente Arnaud Gossement, avocat et professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne.
« Nous sommes face à un dossier qui porte sur une question de droit nouvelle. Personne ne peut savoir ce que va juger le Conseil d’État car c’est un dossier trop complexe », estime-t-il. Et ce, malgré une première victoire pour les écologistes devant ce conseil l’été dernier.
Selon l’AFP, le rapporteur public, un membre du conseil chargé d’éclairer les Juges, devrait conclure au rejet du recours en annulation du décret de la dissolution des Soulèvements de la Terre. En bref, il serait favorable à la dissolution. Les raisons de cette décision seront connues lors de l’audience de vendredi. Les juges vont-ils suivre son avis ?
L’affaire est de la plus haute importance pour le gouvernement qui qualifie le mouvement d’« écoterroriste » et l’a dans le collimateur depuis de longs mois. Et pour cause, les Soulèvements sont partout : ils se mobilisent avec d’autres mouvements contre l’A69, créent en montagne la plus haute zad d’Europe, préparent d’autres actions.
Sept mois de bataille judiciaire
Rappel des faits : le 28 mars, Gérald Darmanin engageait une procédure de dissolution de la coalition écologique. Le ministre de l’Intérieur accusait le collectif de « violences répétées, d’attaques contre les forces de l’ordre, d’appels à l’insurrection » après la manifestation de Sainte-Soline. Cette mobilisation contre une mégabassine en construction dans le marais poitevin avait été très violemment réprimée.
Le ministre se basait sur la loi dite Séparatisme qui permet de dissoudre une association ou un groupement de fait appelant à commettre des violences contre les biens ou les personnes. Une loi combattue par les associations qui estiment qu’elle criminalise la désobéissance civile. « Nous considérons que la violence ne peut être caractérisée qu’à l’égard des personnes. Un bien ne va pas souffrir lorsqu’il prend un coup. En droit pénal, c’est de la dégradation », explique Sébastien Mabile, avocat spécialiste de l’environnement et membre du groupe créé pour soutenir juridiquement les Soulèvements.
C’est pourquoi l’annonce de cette procédure de dissolution avait déclenché une vague de soutiens. Une pétition avait été signée par 150 000 personnes, une grande soirée organisée. Deux cents comités locaux avaient été créés. En parallèle, les avocats de la coalition avaient déposé un recours en référé suspension devant le Conseil d’État — qui leur a donné raison en suspendant le décret de dissolution le 11 août dernier.
Les juges ont estimé que ce décret portait « atteinte à la liberté d’association, créant pour les requérants une situation d’urgence ». Ils ont aussi considéré que ni les pièces versées au dossier ni les échanges lors de l’audience ne permettaient de penser « que le collectif cautionne d’une quelconque façon des agissements violents envers des personnes ».
« Tir groupé » contre des groupes de gauche… et d’extrême droite
L’audience de vendredi 27 octobre porte, cette fois, sur le fond de l’affaire : la légalité du décret de dissolution. « Le Conseil d’État doit juger des critères de la disposition introduite par la loi Séparatisme qui permet au ministre de dissoudre une association ou un groupement de fait qui appelle à commettre des violences contre les biens ou les personnes. Il va devoir borner ces critères », dit Sébastien Mabile.
Dans tous les cas, l’audience sera solennelle, réunissant l’ensemble des juges de toutes les sections du contentieux du Conseil d’État. D’autres affaires de dissolution seront également jugées à la suite : celle du groupe antifasciste lyonnais la Gale, de la Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie (CRI), mais aussi de l’Alvarium une organisation néofasciste héritière du GUD.
« Dans ce contexte de « tir groupé », le rapporteur public semble vouloir mettre sur un même pied des mouvements on ne peut plus différents, voire clairement antagonistes » , dénoncent Les Soulèvements de la Terre dans un communiqué de presse.
Une manifestation est prévue le vendredi 27 octobre à midi à l’appel de la coalition devant le Conseil d’État.