Protestant contre la suppression de l’émission écolo « Vert de rage », une cinquantaine de personnes se sont rassemblées le 11 juin devant le siège de France Télévisions.
Sur la façade du siège de France Télévisions, à Paris, l’immense affiche faisant la promotion de la saison 3 de « Drag Race France » est immanquable. Sur la photo, l’animatrice Nicky Doll tient à bout de bras une bouée de sauvetage. Cela tombe bien : si l’association QuotaClimat a organisé un rassemblement à cet endroit le 11 juin, c’est justement pour sauver de la noyade l’émission « Vert de rage » sur France 5. Alors que France Télévisions a annoncé en avril la suppression de ce programme, une cinquantaine de personnes se sont réunies afin de protester contre cette décision.
Toutes les organisations présentes (France Nature Environnement, Notre Affaire à tous, Générations futures, etc.) l’affirment : en ces temps d’urgence écologique, cette émission qui enquête sur les scandales environnementaux est « d’utilité publique ». Et ce, d’autant que l’information écologique ne cesse de subir des attaques, comme en témoignent les menaces qui ont un temps pesé sur le programme « La Terre au carré » sur France inter.
« Actuellement, l’écologie n’occupe que 3 à 5 % de l’espace médiatique et, depuis des mois, le traitement médiatique des sujets environnementaux ne cesse de régresser. À l’heure où l’extrême droite propose de privatiser l’audiovisuel public en cas d’accession au pouvoir, il est encore plus important de manifester aujourd’hui », lance au micro Éva Morel, coprésidente de QuotaClimat, une association militant pour augmenter la place de l’écologie dans les médias.
Les résultats du Rassemblement national (31,5 % des voix) et de Reconquête ! (5,3 %) aux élections européennes du 9 juin sont en effet dans tous les esprits. De même que l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, laquelle laisse craindre une vague brune lors des élections législatives anticipées du 30 juin et 7 juillet.
« L’extrême droite désinforme sans cesse sur la science et le climat. Notre rôle en tant que scientifiques et vulgarisateurs devient donc d’autant plus politique dans ce contexte », assure Terence Saulnier, membre du collectif Scientifiques en rébellion venu apporter son soutien à « Vert de rage », dont le travail rappelle que « la science relève des faits, et pas de l’opinion ».
Contrer les médias climatosceptiques
Enquêtes sur les polluants éternels, l’amiante, la pollution de l’air dans le métro parisien… Depuis sa création en 2018, cette émission du service public s’est distinguée par ses révélations « à la hauteur des vraies menaces existentielles », comme le rappelle une pancarte brandie par des manifestants. « Face au développement de médias ouvertement climatosceptiques, on a besoin d’un service public audiovisuel fort », dit Alexis Vannier, directeur du développement, de la communication et du plaidoyer chez FNE.
Dominique Pradalié, présidente de la Fédération internationale des journalistes venue avec un exemplaire du Printemps silencieux de Rachel Carson, abonde : « En arrêtant cette émission, on veut supprimer un programme qui informe les citoyens et met les décideurs face à leurs responsabilités. Cette décision est absolument hors de tout bon sens et aussi hors du temps. »
La journaliste, qui rappelle au passage que « quarante-quatre journalistes environnementaux sont morts à travers le monde depuis quinze ans », a également bien en tête le contexte politique actuel. « Dans les pays où l’extrême droite est au pouvoir, comme l’Inde ou le Brésil, on voit des chapes de plomb tomber sur les journalistes. Nous avons aujourd’hui besoin des citoyens pour éviter cela en France », dit-elle, signalant en outre le licenciement de l’humoriste Guillaume Meurice par Radio France quelques minutes plus tôt. En solidarité avec leur confrère, Aymeric Lompret et Giedré ont annoncé leur départ de France Inter.
« Nous avons besoin du service public et de journalistes d’investigation, ajoute Jérémie Suissa, directeur général de Notre Affaire à tous. L’annonce de la suppression de “Vert de rage” nous a énormément surpris. Pourquoi arrêter ce programme ? Quel est le projet derrière ? Nous sommes très curieux de connaître la réponse de Delphine Ernotte. » QuotaClimat a sollicité la présidente de France Télévisions pour un rendez-vous, en vain pour l’heure. D’après Télérama, le programme a été supprimé en raison d’audiences en baisse, mais aussi du départ du rédacteur en chef de l’émission, Martin Boudot.
Pas de quoi décourager le jeune César, 11 ans, qui rappe pour défendre le climat. A cappella, l’enfant a entonné ces paroles, largement applaudies par les personnes mobilisées : « On a besoin de Vert de rage / Service public stop le carnage. »