Valencia / Carlos Mazon n’a pas su gérer les inondations REPORTERRE

Avant, pendant et après les inondations autour de Valence, en Espagne, le gouvernement régional de droite n’a pas su gérer la crise. L’extrême droite tente de faire de la gauche le bouc émissaire.

Ils ont été accueillis par la fureur et le désespoir. Le roi Felipe VI, son épouse la reine Letizia et le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez sont arrivés sous les cris d’« assassins » le 3 novembre à Paiporta, ville proche de Valence dévastée par les inondations qui ont fait plus de 219 morts et 89 disparus, le 29 octobre, dans le sud-est de l’Espagne.

Des habitants ont manifesté leur désarroi face aux autorités qu’ils n’estiment pas à la hauteur de la catastrophe qui a frappé la région. Pris à partie par la foule composée en partie de militants du parti d’extrême droite Vox, les deux monarques ont reçu de la boue au visage et sur leurs vêtements. Le Premier ministre a, lui, été frappé par un coup de bâton dans le dos avant d’être exfiltré.

Si les images ont fait le tour du monde, un autre politique présent sur place n’a pas retenu beaucoup l’attention. Pourtant, Carlos Mazón, le président de droite (Parti populaire) de la région de Valence, fait l’objet de vives critiques depuis une semaine. Ses erreurs, nombreuses, tiennent en trois actes : avant, pendant et après les inondations.

Une cellule de crise supprimée

La première est l’alliance entre la droite et l’extrême droite à la direction de la région de Valence entre juin 2023 et juillet dernier. « Avant que les élus climatosceptiques de Vox ne claquent la porte de la coalition cet été, ils ont obtenu, par Carlos Mazón, la suppression de l’Unité valencienne de réponse aux urgences », explique Maria Elisa Alonso, politologue spécialiste de l’Espagne. Cette cellule de crise devait permettre de coordonner les secours en cas de canicule, d’incendie ou d’inondation, et former la population sur l’attitude à suivre.

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« Cet organisme avait été créé en 2023 par la précédente coalition socialiste et écologiste. C’était la première fois qu’en Espagne une région disposait d’un tel dispositif face aux risques », précise Maria Elisa Alonso.

Sa suppression est également la première mesure qu’a prise la coalition droite-extrême droite lorsqu’elle est arrivée au pouvoir à Valence. L’organisme étant doté d’un budget de 9 millions d’euros, « les élus du PP et de Vox ont estimé que c’était de l’argent public gaspillé pour rien », selon la politologue.

Des SMS envoyés à la population trop tard

Une fois le dispositif d’urgence supprimé, le deuxième acte est intervenu quelques heures avant le début des inondations. À 7 h 36, l’Agence nationale de météorologie (Aemet) sonnait l’alerte maximale prévenant de pluies torrentielles dans la région et les services d’urgence postaient deux messages à 11 h 45 et 12 heures sur la crue de deux rivières. Mais Carlos Mazón assurait à la mi-journée dans un message sur X qu’à « partir de 18 heures » « l’intensité » de la tempête « allait diminuer », précisant que les réservoirs étaient « bien en dessous de leur capacité et capables d’accumuler l’eau reçue sans problème ». Son tweet a depuis été supprimé.

Il a fallu attendre 20 h 30 pour que les autorités régionales, compétentes en la matière, donnent l’alerte sur les téléphones portables de la population. À ce moment-là déjà, des milliers de personnes étaient déjà surprises par les flots.

Des secours lents et désorganisés

Le chaos passé dans la matinée du 30 octobre, Carlos Mazón a semblé dépassé par les événements. Les milliers de sinistrés qui ont tout perdu, même leurs proches, attendaient l’aide des autorités au milieu de la boue, des voitures échouées et des maisons éventrées. Dans ce pays décentralisé, c’est aux communautés autonomes de gérer les catastrophes naturelles, indique le politiste Guillermo Fernández Vázquez : « Carlos Mazón a déclaré le niveau d’alerte 2 ; la loi prévoit que ce n’est qu’à partir du niveau 3 que le gouvernement central peut diriger les opérations. »

Il était toutefois possible pour le gouvernement de Madrid de déclencher le niveau d’alerte 3 qui correspond à l’état d’urgence et ainsi de gérer la situation. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? « D’abord parce que la dernière fois que le gouvernement central a décrété l’état d’urgence, c’était lors du Covid-19. Vox a ensuite contesté cette décision en justice et obtenu gain de cause », répond le politiste. La seconde raison : pour éviter un conflit institutionnel entre l’État et la région. « L’idée n’est pas de créer un affrontement, mais de coopérer avec les acteurs régionaux sur le terrain afin d’être plus efficace. En fonction des demandes de la région, l’État fournit le personnel de secours, le matériel et les vivres », poursuit-il.

Sauf que sur place, les secours étaient lents et désorganisés. Jusqu’à jeudi 31 octobre, le gouvernement valencien n’a demandé l’aide de l’unité militaire d’urgence que dans la zone d’Utiel-Requena. Pendant deux jours, les 1 200 effectifs mobilisés n’ont pas eu l’autorisation de se déployer au-delà de ce périmètre, ne pouvant donc se rendre dans la banlieue de Valence. Le président de la région de Valence a fini par demander — quatre jours après la catastrophe — l’aide du gouvernement national.

« La propagande de l’extrême droite
est si forte »

Samedi 2 novembre, Pedro Sánchez annonçait ainsi l’envoi de 5 000 soldats supplémentaires, portant le contingent total à 7 000 militaires, « le plus grand déploiement jamais effectué en Espagne en temps de paix ». Alors que des milliers de volontaires affluaient pour aider les sinistrés en manque de tout, « on les a envoyé samedi nettoyer un centre commercial plutôt que des zones d’habitations », déplore Maria Elisa Alonso.

Et d’ajouter : « Carlos Mazón ne s’est pas remis en question, au contraire, il a jeté la faute sur l’Agence nationale de météorologie espagnole, en expliquant que l’alerte avait été donnée trop tard et que Madrid aurait dû envoyer les effectifs militaires nécessaires plus tôt. »

Pendant ce temps, sur les réseaux sociaux, l’extrême droite de Vox tente de capitaliser sur le désarroi des sinistrés afin de faire tomber le gouvernement de Pedro Sánchez. « La stratégie de Vox fonctionne bien, la propagande de l’extrême droite est si forte qu’une partie de la population pointe du doigt Pedro Sánchez alors que le premier politique responsable des dégâts est Carlos Mazón », estime Guillermo Fernández Vázquez.

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