« Ce matin, je suis descendu en plaine où je me rends de moins en moins. Un tour du côté d’Argelès pour récupérer les affaires du fiston au Lycée, un passage à Toulouges au journal et les obsèques de l’ami Ramon d’Aytua à Thuir…
Mais qu’est devenu ce département, cette plaine du Roussillon, avec ses ronds-points dégueulasses, son urbanisation sans limites, ses bords de routes où poussent l’acacia, le roseau, le laurier rose, le fenouil sauvage, où les bouteilles en plastique et les emballages courent dans les fossés ? La friche est partout où l’agriculture a dû abdiquer face aux compétitions déloyales, aux caprices administratifs et à la bétonisation. Quel bilan les politiques peuvent-ils tirer de cet échec, si ce n’est celui d’un abandon, d’un no man’s land périurbain tentaculaire et sans limites voué au régime de la carcasse abandonnée, du cheval famélique, du cabanon effondré entre la baignoire percée, le figuier crevé et la treille que plus personne ne vient tailler. Murs de parpaings à perte de vue même pas crépis, ensauvagement des espaces naturels, tourisme pauvre et de passage, chicots de goudron, espaces commerciaux désaffectés, grands tourniquets blancs et développement d’un consumérisme effréné … C’est le Deep South de Faulkner, le Tobacco road de Caldwell.
Voilà ce qu’il advient d’un pays, mesdames et messieurs les politiciens responsables de cette déprise irréversible où vous avez usé du double langage spéculatif et résigné, quand les hommes s’en vont, quand les machines s’arrêtent, quand la terre se tait ! » .
Jean-Paul Pelras , ancien syndicaliste agricole .