Le président élu du Brésil se rend cette semaine à la COP27. Après quatre ans de désastre environnemental sous Bolsonaro, la communauté internationale attend des engagements, en particulier contre la déforestation en Amazonie
Dès le lendemain de sa victoire sur le fil face à Jair Bolsonaro, Lula a reçu l’invitation du chef d’État égyptien à participer à la COP27. En coulisse, le président sortant aurait qualifié son successeur, dont il n’a reconnu qu’à demi-mot la victoire, d’« usurpateur » pour avoir accepté de s’y rendre. Il y a quatre ans, le président d’extrême-droite, à peine élu, renonçait à accueillir la COP25. Il n’a depuis participé à aucune des éditions.
La présidence de Jair Bolsonaro, qui s’achève le 31 décembre, a été marquée par une hausse de 75 % de la déforestation en Amazonie, des records d’incendies, une hausse des émissions de gaz à effets de serre, la recrudescence de l’orpaillage et du trafic du bois sur les terres indigènes et une légalisation à la pelle des pesticides. Sur tous ces fronts, Lula s’est engagé pendant la campagne présidentielle et sait qu’il est attendu par la communauté internationale.
« Je veux replacer le Brésil au cœur de la géopolitique mondiale »
« Je veux replacer le Brésil au cœur de la géopolitique mondiale », a déclaré Lula à la presse après la première réunion avec son équipe de transition. À Charm-el-Cheikh, il est accompagné de deux anciennes ministres de l’Environnement, Marina Silva (2003-2008) et Izabella Teixeira (2010-2016) et devrait annoncer le nom de celle ou celui qui occupera ce poste dans son gouvernement.
Marina Silva, qui avait démissionné en 2008, estimant que le gouvernement de Lula faisait peu de cas de l’écologie, n’a apporté son soutien à la campagne de l’ex-président qu’après son engagement formel qu’elle serait bien une priorité de son futur mandat. C’est elle qui a proposé la création d’une Autorité Nationale consacrée à la lutte contre le changement climatique, que Lula devrait confirmer cette semaine.
Déjà présente à la COP27, Marina Silva s’est entretenue avec l’envoyé spécial du président étasunien pour le climat, John Kerry, auprès de qui elle assure avoir « manifesté l’intérêt du Brésil pour une participation financière étasunienne au Fonds de préservation de la forêt amazonienne ».
Pas de pouvoir décisionnel
L’élection de Lula semble avoir eu au moins un effet immédiat. Les principaux bailleurs du Fonds, la Norvège et l’Allemagne, qui avaient gelé leurs subventions en 2019 à cause de leurs doutes sur les politiques menées par le gouvernement en Amazonie et du manque de transparence dans la gestion du fonds, ont annoncé, Lula aussitôt élu, qu’ils étaient prêts à reprendre les versements.
Lula a reçu une dizaine de demandes d’entretiens bilatéraux, faisant presque oublier que c’est une équipe du ministère de l’Environnement sortant qui représentera le Brésil aux négociations de la COP27. L’an dernier, à Glasgow, le ministre Joaquim Leite avait omis de révéler les derniers chiffres alarmants de la déforestation en Amazonie, et annoncé une hausse en trompe-l’œil de l’objectif national de 37 % à 50 % de réduction des émissions d’ici à 2030, en réalité moins ambitieux que celui présenté en 2015, en raison d’un changement du mode de calcul. À Charm-el-Cheikh, Lula pourrait tout de même indiquer dans quelle mesure il est prêt à revoir les objectifs du Brésil, aujourd’hui sixième émetteur mondial de gaz à effets de serre.
Faire reculer la déforestation
Pour faire reculer la déforestation en Amazonie, son gouvernement aura la tâche colossale de rétablir l’autorité des organes de contrôle environnementaux qui ont vu leur budget fondre, et le nombre d’amendes infligées atteindre son plus bas niveau depuis vingt ans.
L’Institut Talanoa, un groupe de réflexion consacré aux politiques climatiques, a préparé une liste pour le futur gouvernement de 401 décrets adoptés ces dernières années ayant un impact nocif pour l’environnement. En Égypte, Lula pourrait aussi révéler qui dirigera le ministère des Peuples autochtones qu’il a promis de créer, alors que les invasions sur leurs terres protégées ont triplé pendant le mandat de Jair Bolsonaro — qui n’a homologué la démarcation d’aucun territoire indigène, malgré les centaines de demandes en attente. Sept représentants des peuples autochtones viennent d’être élus aux deux chambres, mais choisir l’un d’entre eux risquerait d’affaiblir le front de défense de l’environnement au sein du Congrès le plus à droite depuis la fin de la dictature militaire en 1985 [1]. Info / Reporterre.