Depuis le 1er janvier, La Poste a retiré le timbre rouge, utilisé pour les envois prioritaires. Il est remplacé par une « usine à gaz », selon les syndicats, et fait craindre des suppressions de postes.
C’est la fin d’une époque. Utilisé depuis 1969 pour les envois prioritaires en un jour, le timbre rouge n’est plus depuis le 1er janvier. Il est remplacé par l’« e-timbre » rouge, une solution numérique pour éviter des acheminements par avion et camion, selon La Poste. Pour le groupe, l’usage de la Lettre rouge tend à disparaître, remplacée par les mails et les SMS. La Poste parle également d’une « mesure écologique » qui permettrait notamment de réduire de 25 % les émissions de CO2 d’ici à 2030. Mais cette réorganisation des produits postaux serait avant tout une décision économique, explique Pascal Frémont, postier à Nantes et représentant syndical à Sud PTT.
Reporterre — Que pensez-vous de la mise en place de la nouvelle gamme de courriers de La Poste, avec notamment la fin du timbre rouge et l’allongement des délais d’acheminement (le timbre vert sera délivré en 3 jours, contre 2 auparavant) ?
Pascal Frémont — C’est une opération économique et budgétaire pour le groupe. Le timbre rouge, c’est la circulation des lettres en J+1, autrement dit un courrier que je poste la veille et qui est distribué le lendemain. Cela a un coût pour La Poste, et c’est justement ce que le groupe souhaite économiser avec la fin de ce timbre.
Pourtant, c’est important de rappeler que La Poste évolue dans un paysage économique où elle va bien et n’est pas en péril du tout. Le groupe a dégagé plus de 2 milliards d’euros de bénéfices en 2021 et s’apprête à annoncer des chiffres équivalents pour 2022.
Avec la disparition du timbre rouge, La Poste poursuit ce qu’elle cherche à accomplir depuis dix ans ; que les usagers se détournent des envois prioritaires et utilisent des solutions plus longues comme le timbre vert, qui sera désormais délivré en trois jours.
Cela va conduire au fait que les facteurs et factrices qui passent aujourd’hui tous les jours et partout sur le territoire ne passeront plus que 1 jour sur 2. Le groupe veut freiner le passage quotidien pour qu’il y ait moins de facteurs, c’est un plan social déguisé. On estime que cela représente le non-renouvellement de 20 000 emplois d’ici quatre ou cinq ans.
Il faut que les gens comprennent que ce n’est pas tellement la fin du J+1 qu’ils vont voir, c’est la fin du facteur qui passe tous les jours devant chez eux. C’est encore une fois la dégradation du service public.
La Poste justifie la fin du timbre rouge par des raisons écologiques. Selon le groupe, cela permettra d’éviter de nombreux trajets en avion et réduira les émissions de CO2 de 25 % d’ici à 2030. Ces motivations sont-elles justifiées ?
La Poste fait du capitalisme vert, les avions postaux continueront de voler puisqu’ils transportent également tous les colis que le groupe distribue. C’est sûr qu’il y aura moins de liaisons quotidiennes avec la fin du timbre rouge, mais derrière ces diminutions réelles, La Poste va poursuivre son schéma logistique. Les centres de tri se raréfient depuis dix ans partout en France, il n’y en a plus que trente. Les lettres parcourent ainsi davantage de kilomètres puisque les centres sont de plus en plus éloignés de leurs destinations.
Ce que nous revendiquons pour une réelle politique écologique, c’est un retour du traitement départemental du courrier et des TGV postaux plutôt que l’avion.
La lettre rouge est remplacée par l’« e-lettre » rouge, un service numérique où l’usager pourra scanner son document, qu’un postier imprima depuis le centre de tri avant de le distribuer. Cette décision risque-t-elle d’accentuer la fracture numérique ?
Nous pensons que la lettre rouge électronique est une usine à gaz et qu’elle sera très peu utilisée par les usagers, qui n’iront pas s’embêter à aller dans un bureau de poste ou sur un site internet pour envoyer un courrier. Ils préféreront envoyer un mail, tout simplement. Le problème, même s’il est réel, n’est pas la fracture numérique. L’enjeu est ailleurs : cette e-lettre est un prétexte pour imposer la lettre verte et des délais plus longs aux usagers et ainsi freiner le passage quotidien des facteurs. Tout cela pour justifier de futurs plans sociaux et des économies.