1, 3 millions pour la pétition REPORTERRE

La pétition lancée sur le site de l’Assemblée nationale contre la loi Duplomb a recueilli plus d’un million de signatures. Un nouveau débat pourrait avoir lieu, mais le gouvernement ne compte pas abandonner cette loi pour autant.

Ils misaient sur les vacances d’été pour que les Français passent à autre chose. Les défenseurs de la loi Duplomb se sont lourdement trompés. Ce weekend, un tsunami citoyen a déferlé sur le pays contre ce texte qui réautorise des pesticides interdits dont l’acétamipride, facilite la construction de mégabassines et favorise l’élevage industriel.

Que ce soit sur la plage, au café, dans les boucles familiales WhatsApp, la mobilisation contre la loi Duplomb adoptée mardi 8 juillet s’est immiscée dans les conversations pour appeler les uns et les autres à signer la pétition exigeant son retrait. Dimanche 20 juillet en fin d’après-midi, le texte avait recueilli plus d’un million de signatures.

Jamais une requête lancée sur la plateforme de pétition citoyenne sur le site de l’Assemblée nationale n’avait reçu autant de soutiens. À titre de comparaison, celle qui avait le plus fonctionné depuis la création de cet outil était celle réclamant la dissolution de l’unité policière Brav-M en 2023 : elle a recueilli 263 887 signatures.

« Faire bloc contre la bêtise humaine »

La dynamique est d’autant plus sensationnelle que la pétition a été lancée il y a quelques jours à peine, le 10 juillet, par Éléonore Paterry, une étudiante inconnue du grand public, sans relais médiatique, associatif ni politique. Dans son texte, la femme de 23 ans écrit que « rien n’est encore perdu », qu’il est encore temps « de refuser l’inacceptable » et appelle à « faire bloc contre la bêtise humaine ».

Très vite, son message a fait mouche. Après 15 000 signatures le 16 juillet, 100 000 le lendemain, 500 000 deux jours plus tard et maintenant plus d’un million, le compteur continue de grimper à un rythme effréné.

De nombreuses personnalités, comme l’acteur Pierre Niney, le chanteur Julien Doré ainsi que des créatrices de contenus comme Enjoy Phoenix ont également apporté leur soutien à la pétition contre le texte néfaste pour la santé et l’environnement.

« Grâce à vous, la voix du peuple résonne un peu plus fort »

« Grâce à vous, la voix du peuple résonne un peu plus fort », s’est félicitée samedi après-midi Éléonore Pattery sur son compte LinkedIn, ajoutant : « C’est le moment de révolutionner le monde d’aujourd’hui, pour bâtir la paix de demain. »

L’association de lutte contre les pesticides Générations futures a salué une « mobilisation exceptionnelle, du jamais-vu dans l’histoire de la Vᵉ République, qui témoigne du rejet massif de cette loi par la société civile ».

Que va-t-il se passer maintenant ? Alors que la loi Duplomb avait été adoptée sans débat dans l’hémicycle après le vote d’une motion de rejet par les partisans du texte allant du centre à l’extrême droite, peut-on enfin espérer un débat démocratique ?

Un possible nouveau débat

La barre des 500 000 signatures largement franchie, la procédure prévoit que la conférence des présidents de l’Assemblée nationale (la présidente de la chambre basse et les présidents de groupe et des commissions permanentes notamment) « peut décider d’organiser un débat en séance publique ». Toutefois, seule la pétition sera débattue, le dispositif ne permet pas de faire réexaminer automatiquement la loi Duplomb ni de l’abroger.

Chez les politiques, chacun semble camper sur ses positions. La présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet s’est dite dimanche 20 juillet « favorable » à l’organisation d’un tel débat. Mais il « ne pourra en aucun cas revenir sur la loi votée » qui va, selon elle, « sauver un certain nombre de nos agriculteurs ». Ni Annie Genevard, la ministre de l’Agriculture, ni Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, n’ont réagi. Même chose parmi les élus du Rassemblement national.

Interrogée le 21 juillet sur le plateau de France 2, la porte-parole du gouvernement Sophie Primas a dit que « le gouvernement écoute bien sûr les mouvements démocratiques comme celui qui s’exprime aujourd’hui ». « Peut-être n’avons-nous pas assez rassuré, peut-être n’avons-nous pas expliqué à quel point cette loi a pour objectif de remettre les agriculteurs français dans le même cadre d’exercice de leur profession que leurs collègues européens », a-t-elle ajouté, avant d’assurer que « beaucoup de dérogations sont prises » concernant la réintroduction de l’acétamipride prévue dans la loi.

La pression sur Emmanuel Macron

Écologistes, insoumis et socialistes exhortent quant à eux Emmanuel Macron à ne pas promulguer la loi. La patronne des Écologistes, Marine Tondelier, souhaite ainsi une « deuxième délibération » du texte au Parlement, comme peut le décider Emmanuel Macron.

Le président et le Premier ministre « doivent entendre la colère populaire contre cette loi passée en force », a écrit sur X Manuel Bompard, le coordinateur de la France insoumise. Le chef des députés socialistes Boris Vallaud a lui réclamé l’inscription de la pétition à l’ordre du jour de l’Assemblée « dès la rentrée » pour permettre un débat.

Mauvais joueur Laurent Duplomb ? « Ça ne m’inspire pas grand-chose, ça veut dire que l’opposition s’exprime », a commenté le sénateur (LR) qui a porté et donné son nom au texte, dimanche 20 juillet sur Franceinfo. S’il estime qu’un débat va bien se tenir, pour lui, interdire l’acétamipride « fait courir une concurrence déloyale aux agriculteurs français ».

Même réaction pour le patron de la FNSEA Arnaud Rousseau, fervent défenseur du texte. Il a estimé dans un communiqué que l’agriculture française « disparaîtra » si on lui impose « des normes supérieures » à celles de ses voisins européens.

Quoi qu’il advienne, rien ne devrait se passer avant la rentrée du côté du Parlement. La session parlementaire étant terminée, les députés sont en vacances depuis vendredi 11 juillet.

En route vers les 2,3 millions

Mais parmi la population, tout reste possible. La prochaine étape : atteindre les 2,3 millions de signatures pour dépasser la pétition de l’Affaire du siècle. La campagne de justice climatique initiée par quatre associations (Fondation pour la nature et l’homme, Greenpeace France, Notre affaire à tous et Oxfam France) en décembre 2018 visait à poursuivre en justice l’État pour inaction climatique. C’est la pétition qui a recueilli le plus de soutiens dans l’histoire du pays pour l’heure.

Si tout cela n’est encore pas suffisant pour montrer le désaccord des Français contre la loi Duplomb, une autre option serait d’obtenir un référendum d’initiative partagée sur la question. Pour ce faire, il faudrait recueillir le soutien de 10 % du corps électoral, soit 4,8 millions de signatures.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*