Interview de François Alfonsi nouveau président de Régions et Peuples Solidaires

Eurodéputé, membre du groupe des Verts/Alliance libre européenne, il vient d’être élu président de la fédération Régions et Peuples solidaires. Un tremplin depuis lequel il fixe ses caps et décrypte, au passage, les sujets qui font l’actualité. Entretien

Vous êtes depuis le week-end dernier le président de Régions et Peuples solidaires (R&PS) qui fédère à l’échelle de la France treize organisations régionalistes ou autonomistes. Le cap que vous vous êtes fixé ?

Cette fédération née voici un quart de siècle a réussi à s’installer dans le paysage de façon solide et pérenne. Aux dernières élections législatives, plus de trois cents candidats se sont présentés et les résultats obtenus nous permettent d’avoir accès aux financements publics. Aujourd’hui, le projet va consister à nous ouvrir davantage de visibilité encore sur la scène politique française en général.

Ce qui a joué en votre faveur pour prendre la succession de Gustave Alirol, du Parti occitan ?

Gustave Alirol a assuré cette charge durant de longues années, depuis la création de la fédération. Ce qui a plaidé en ma faveur ? D’être impliqué dans les situations locales des partis membres, au Pays basque, en Catalogne, en Bretagne, en Occitanie, en Savoie, en Alsace. De pouvoir, également, à travers mon mandat européen, être reconnu par les médias et les forces politiques avec lesquelles nous sommes en relation. En outre, le rôle de fer de lance que représente le dossier corse pour tous ceux qui, en France, veulent davantage de langues régionales, d’autonomie, entre autres revendications, a constitué un élément déterminant.

Quelle place aujourd’hui sur l’échiquier politique pour cette confédération de partis créée en 1994 mais qui demeure un peu en retrait des projecteurs médiatiques ?

Malgré la moindre participation observée globalement en France, nous avons réalisé, j’avais commencé à l’évoquer, 15 % de voix supplémentaires avec nos candidats. Nous sommes forts d’une représentation dans trois instances, le Parlement avec quatre députés, trois Corses et un Breton, le Sénat, avec un sénateur, tandis que je siège pour ma part au Parlement européen. La fédération est actuellement regroupée durablement au sein d’une démarche politique collective reconnue à l’échelle nationale et que nous voulons porter plus avant dans la vie politique française.

Vous avez à cœur d’accompagner le cycle de discussions qui s’est ouvert entre la Corse et l’État. De quelle manière ferez-vous entendre votre voix ?

Je fais partie, en tant que parlementaire, du comité stratégique qui a été mis en place. Ce comité a tenu une première réunion, en juillet, au cours de laquelle il est apparu que l’on pourrait conclure les travaux dans le cadre d’une révision constitutionnelle intéressant la Corse mais également, par ricochet, d’autres membres de la fédération. Exemple, sur la question de la langue, la loi Molac a été censurée par le Conseil constitutionnel. Si l’on revient sur cette censure, cela va bien évidemment concerner le breton, le basque, l’alsacien. La fédération Régions et Peuples solidaires a donc tout intérêt à être associée à la réflexion pour faire en sorte que les avancées qui pourront être actées soient les plus favorables possibles à l’évolution de la France vers un régime moins jacobin et plus soucieux de la diversité du pays.

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Partout en Europe, les îles, dans leur grande majorité, ont acquis leur autonomie, la Corse restant une exception. Si les négociations engagées avec Paris ne débouchaient pas sur un statut tel que le défend l’exécutif corse dont vous êtes proche, ce serait un coup d’épée dans l’eau ?

On ne peut préjuger ni d’un succès ni d’un échec à l’avance. L’île emprunte un long chemin depuis 1981 jusqu’à la dernière évolution en date qui a porté sur les fonts baptismaux la Collectivité de Corse. Le tout s’est opéré dans la limite du cadre constitutionnel constant. L’innovation de la discussion du moment, c’est que cette dernière admet que l’on sorte de ce cadre. Passera-t-on l’obstacle du vote conforme de l’Assemblée nationale et du Sénat, suivi d’un vote du Congrès, l’avenir le dira. Il n’empêche, nous avons une base à partir de laquelle nous pouvons travailler.

Êtes-vous en mesure de fédérer à votre cause d’autres régions françaises confrontées aux mêmes problématiques que la Corse et qui ne diraient pas non à davantage de pouvoir, tout au moins à une plus grande liberté d’action ?

J’en suis persuadé. On le perçoit dans des structures comme Régions de France au sein de laquelle Gilles Simeoni reçoit régulièrement le soutien de ses pairs. Je l’ai, en outre, personnellement ressenti à Strasbourg, le Parlement y étant en session ordinaire chaque mois. J’ai rencontré à plusieurs reprises le président de la Collectivité européenne d’Alsace, je suis en relation avec le maire centriste de Bayonne et président de la communauté basque, tandis qu’en Alsace, le président est de sensibilité LR, et qu’en Bretagne, la région est dirigée par un socialiste. Dans toute la diversité des approches, prévalent partout deux sentiments. D’une part, une volonté d’acquérir davantage d’autonomie et de respect de l’identité de ces régions. À la clé, des revendications parfois territoriales, sans oublier le trait d’union des combats linguistiques et la volonté d’apporter des réponses spécifiques à chacun des peuples concernés ayant, par leur situation frontalière, historique, leur réalité économique, des intérêts à faire valoir. D’autre part, le vœu d’institutions capables de légiférer et de réglementer.

Crise climatique, énergétique, guerre en Europe, pandémie, les solutions que préconise Régions et Peuples solidaires alors que la sobriété est désormais sur toutes les lèvres ?

La sobriété figurait dans le fameux triptyque du scénario négaWatt (association qui appuie sa démarche sur la sobriété énergétique, l’efficacité énergétique et le recours aux énergies renouvelables, ndlr), déjà désignée comme le facteur principal permettant d’abaisser la part d’énergies fossiles dans les besoins futurs. Or, si les deux autres notions avaient été prises en compte, celle de sobriété ne l’avait pas été. C’est pourtant, à présent, face à la situation de guerre et d’urgence dans laquelle se trouvent l’Europe et la France, la seule réponse à efficacité immédiate. Je suis totalement favorable à ce que l’on y emboîte le pas.

Ce que l’Europe inspire à l’eurodéputé que vous êtes, quid de son avenir ?

Avec mon second mandat, je suis arrivé dans une assemblée européenne qui était plus eurosceptique que la précédente. L’on pouvait craindre une mandature très marquée par une rétractation du message européen. La pandémie a bousculé les priorités politiques et changé la donne et l’on a, in fine, fait plus d’Europe que jusqu’alors. En corollaire, un grand emprunt européen garanti par les États membres, ce qui était inconcevable il y a dix ans, avec des sommes considérables mobilisées pour que des économies comme celles de l’Espagne ou de l’Italie, par exemple, puissent se redresser, et un débat sur les compétences de l’Europe en matière sanitaire. Il s’agit donc d’un mandat assez paradoxal, parti pour être plutôt restrictif sur les enjeux européens. Sauf que la force des événements a conduit l’Europe à accomplir de grands pas pendant cette mandature.

La nouvelle équipe de la fédération aura pour principaux axes de travail de consolider le pôle régionaliste initié lors des législatives, de préparer les prochaines échéances électorales – les européennes en particulier – et de moderniser les statuts de R&PS. Le programme n’est-il pas trop ambitieux dans le temps imparti ?

Ambitieux, certes, mais s’appuyant sur des acquis. Le groupe au Palais Bourbon existe, il a pu être reconstitué, et pour nous, il est important qu’il y ait une voix des territoires qui se structure un peu autour de R&PS, sachant que la dynamique au centre de la recomposition de ce groupe est clairement incarnée par les trois députés corses et le député breton. Il va falloir se tenir prêt dès l’été prochain pour savoir dans quelles conditions on affrontera l’élection européenne, alliances, échanges à mener. Ce sera, dans les douze mois qui viennent, mon travail et celui du bureau qui a été élu.

Vous serez candidat ?

Il n’y a aucune obligation.

C’est R&PS qui sera candidat pour continuer un mandat européen.

J’en ai déjà fait deux, on verra comment tout cela se présente. Je n’exclus pas de passer le relais à une femme.

Info / CORSE MATIN .

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