Conséquences de la disparition des glaciers REPORTERRE

La disparition des glaciers a des conséquences très concrètes sur de nombreuses populations. Plusieurs personnes sont venues à Paris, à l’occasion du sommet des glaciers, témoigner de ces bouleversements.

Des graphiques, des cartes et des tableaux de chiffres. Les conférences du One Planet — Polar Summit, qui rassemblent le gratin international des spécialistes des glaciers, peuvent sembler un peu arides. Et surtout assez déprimantes : un tiers des glaciers sont condamnés d’ici 2050. Pour préserver les deux tiers restants, il faudra drastiquement limiter nos émissions de gaz à effet de serre. La disparition des glaciers n’est pourtant pas qu’une affaire d’alpinistes ou de chercheurs, elle a des conséquences très concrètes sur de nombreuses populations. Pour donner un peu d’humanité à ces constats scientifiques, les organisateurs du sommet à Paris ont donné la parole à quelques personnes directement concernées.

Ole Olsvig est un Inuit du Groenland. Il vient du village de Naajaat, dans le nord-ouest du Groenland. Une île aux petites maisons colorées, recouverte de glace une bonne partie de l’année. Il est venu au One Planet — Polar Summit raconter son enfance, dans un endroit sans route ni supermarché. L’hiver, il se déplaçait en traîneau avec son père, glissant sur ces immenses étendues gelées. Pour pêcher, il partait en bateau sur une mer glacée. Mais avec le réchauffement climatique, ces deux modes de déplacements sont devenus dangereux.

Au village de Naajaat, au Groenland, les glaciers fondent. Wikimedia Commons/CC BYSA 3.0 Deed/Kim Hansen

La banquise, désormais trop fragile, ne supporte plus le poids des traîneaux. Les vents, aujourd’hui imprévisibles, rendent la navigation dangereuse. « On demande souvent à mes parents pourquoi ils ne partent pas vivre dans un autre endroit, dans les grandes villes où ils auraient plus d’opportunités. Mais ils ne veulent pas. Ils veulent rester vivre ici et s’adapter. Leur communauté et d’autres ont déjà dépassé de multiples difficultés depuis des siècles », explique Ole Olsvig.

L’Himalaya et ses 54 000 glaciers sont également particulièrement concernés. Près d’une dizaine des plus gros fleuves d’Asie trouvent leur source dans ces montagnes et apportent de l’eau à 2 milliards de personnes en aval. La rupture des lacs glaciaires, comme celle qui s’est produite dans une région du nord-est de l’Inde en octobre dernier, risque de se multiplier.

« C’est la perte de notre identité et de notre spiritualité »

De l’autre côté du globe, les glaciers de la cordillère des Andes subissent également de plein fouet le réchauffement climatique, comme en témoigne María Eugenia Choque Quispe. Originaire de Bolivie, membre de l’ethnie Aymara, elle a été la première femme autochtone à devenir présidente de la Cour suprême. Vêtue de l’habit traditionnel, elle est venue raconter avec émotion les bouleversements subis par son peuple ces dernières années. « Nous sommes des agriculteurs, des bergers, des pêcheurs. Nous avons besoin d’eau. »

Or, la fonte des glaciers perturbe le cycle de l’eau. Et dans la région, les sécheresses à répétition contraignent les populations autochtones à quitter leurs villages pour s’exiler en ville. « Là-bas, nous avons honte de nous habiller de façon traditionnelle. Nous devons parler espagnol et pas nos propres langues. Nous devenons vendeurs à la sauvette pour pouvoir survivre », poursuit-elle.

« Pour nous, les montagnes protègent notre peuple »

La fonte des glaces n’a pas seulement des conséquences économiques. Elle bouleverse également les traditions et la cosmogonie. « Pour nous, les montagnes protègent notre peuple. Si l’eau des montagnes disparaît, notre dieu protecteur disparaît aussi. C’est la perte de notre identité et de notre spiritualité », poursuit María Eugenia Choque Quispe.

Les glaciers ne sont pas uniquement des écosystèmes à préserver, mais font partie intégrante des patrimoines culturel et spirituel de nombreux peuples autochtones. En Nouvelle-Zélande, le glacier François-Joseph est appelé Ka Roimata o Hinehukatere, soit « les larmes de Hinehukatere ». C’est le nom d’un dieu maori accablé par le chagrin après la mort de son grand amour dans une avalanche. Ses larmes auraient donné naissance au glacier.

Au Pérou, le pèlerinage au sanctuaire du seigneur de Quyllurit’i fait partie du patrimoine mondial de l’Unesco. « Les leaders locaux découpent des blocs dans le glacier et partagent des morceaux entre les pèlerins. L’eau fondue est censée avoir des vertus de guérison. Mais ils ont arrêté ce rituel parce que le glacier disparaît trop vite », explique Tales Carvalho Resende, coauteur du rapport de l’Unesco sur les glaciers.

Au total, 10 % de glaciers mondiaux se trouvent sur des sites classés par l’Organisation des Nations unies. Ils seront à l’honneur en 2025 pour l’année internationale de la préservation des glaciers. De quoi mettre en lumière le rôle crucial de ces géants gelés dans la survie de notre espèce.

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