L’écrivain Paul Auster et l’Occitanie

Paul Auster, grand écrivain américain qui vient de mourir, a dans son « Winter Journal » (Journal d’hiver), parlé de l’ambiance occitane qu’il a connue comme « estranger »  et a été témoin de la revendication d’une « Occitanie libre » (en français dans le texte) peinte sur les murs.

Voici la traduction par JP Hilaire d’un passage cité dans l’original en anglais par Jornalet:

« et tout le monde parlait avec les « r » de l’accent français méridional, les « g » ajoutés qui transformaient les mots pour le vin et le pain en « vaing » et « paing », les « s » abandonnés ailleurs en France qui survivaient encore à leurs origines provençales, transformant les « étrangers » en « estrangers » , et dans toute la région les rochers et les murs peints avec le slogan « Occitanie libre », car c’était le pays médiéval d’oc et non du oui. Et oui, vous et votre petite amie étiez des étrangers cette année-là, mais combien plus douce était la vie dans cette partie du pays comparée aux formalités cassantes et à la nervosité de Paris, et comme vous étiez traités chaleureusement pendant votre séjour dans le sud, même par le couple bourgeois guindé au nom impossible d’Assier de Pompignon, qui vous invitait de temps en temps dans leur maison du village voisin de Régusse pour regarder des films à la télévision, sans parler des gens qu’il vous arrivait de rencontrer à Aups, à sept kilomètres de la maison, où vous alliez faire vos courses deux fois par semaine, une ville de trois ou quatre mille habitants qui avait pris l’allure d’une vaste métropole au fur et à mesure que les mois d’isolement s’écoulaient. Et comme il n’y avait que deux cafés principaux à Aups, le café des gents de droite et le café des gens de gauche, vous fréquentiez le café de gauche où vous étiez accueillis par les habitués, les paysans et les mécanos mal fagotés , qui étaient ou socialistes, ou communistes, les habitants du cru turbulents et bavards qui s’attachaient de plus en plus aux jeunes estrangers américains, et vous vous souvenez d’avoir été assis avec eux dans ce bar alors que vous regardiez tous à la télévision les résultats de l’élection présidentielle de 1974, la campagne entre Giscard et Mitterrand après la mort de Pompidou, l’hilarité et la déception extrême de cette soirée, tout le monde éméché et criant des encouragements, mais aussi à Aups, il y avait votre ami le fils du boucher, qui avait plus ou moins votre âge, qui travaillait dans la boutique de son père et se préparait à reprendre l’affaire, mais en même temps un photographe passionné et très compétent, qui avait passé cette année-là à décrire l’évacuation et la démolition d’un petit village qui devait être inondé pour la construction d’un barrage. Le fils du boucher avec ses photos déchirantes, les hommes ivres dans le bar socialiste/communiste, mais aussi le dentiste …. »

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