Loi Molac : remous aprés la saisine du Conseil constitutionnel

L’histoire de la première loi consacrée aux langues régionales définitivement adoptée sous la Ve République est pleine de rebondissements.

En première lecture à l’Assemblée nationale en février 2020, elle avait été vidée d’une bonne partie de son contenu. Surprise à l’automne, le Sénat rétablissait les dispositions ayant trait à l’enseignement.

Alors que la pression exercée par la société civile était forte, le jeudi 8 avril 2021, à l’issue de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale, la loi est largement adoptée par les députés : 247 voix pour, 76 contre et 19 absentions. Première fois sous la Ve République après 70 tentatives. À quelques heures de la promulgation attendue de la loi par le Président de la République, puisqu’elle doit intervenir dans les quinze jours, plus de soixante députés de la majorité ont saisi le Conseil constitutionnel le jeudi 22 avril.

 

Exceptionnel : une saisie de députés de la majorité contre une loi votée par la majorité

Le Conseil constitutionnel peut être saisi par le président de la République, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat ou par 60 sénateurs ou 60 députés. Les lois étant votées par la majorité, la saisine du Conseil Constitutionnel par plus de soixante députés de la majorité est rarissime. D’autant plus que, sur les 247 voix favorables à la loi, 100 provenaient de la majorité. Seuls 57 Marcheurs étaient défavorables à la loi.

 

 

Un recours téléguidé à la dernière heure par le Ministre de l’Education nationale

Officiellement, le gouvernement n’avait pas voulu saisir le Conseil constitutionnel. Dans les faits, ainsi que l’a révélé la Lettre A, le lundi 26 avril, la cheffe du pôle parlementaire au cabinet du ministre de l’Education nationale, apparaît comme auteur du texte transmis au Conseil Constitutionnel et signé par 61 députés dont une grande partie de Marcheurs.

Dans Le Parisien du lundi 26 avril [article payant, NDLR], l’entourage de Jean-Michel Blanquer répond : « On assume totalement le fait d’avoir donné aux députés, qui nous l’ont demandé, les éléments de fond qui nous faisaient penser qu’il y avait un risque d’inconstitutionnalité, ce qu’a dit le ministre au banc, et un modèle de saisine. Manifestement, ils ont pris le document qu’on leur a envoyé. Alors, oui, il y a une forme de maladresse à avoir un document sourcé. Mais ce n’est pas le ministre qui a fait signer les parlementaires. »

Cette saisine dont nous avons lu le texte porte sur l’article 6 de la loi concernant la création d’un forfait scolaire pour les écoles privées, associatives sous contrat, dispensant une scolarisation en langues régionales. Lors des débats parlementaires, le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer s’était opposé fermement à cette disposition, tout comme à la reconnaissance de l’enseignement immersif.

Une fois saisi, le Conseil constitutionnel décide lui-même du périmètre de sa réponse : sur les articles sur lesquels il est interrogé ou davantage. Depuis cinq ans que Laurent Fabius est président, le Conseil s’est souvent contenté de répondre uniquement à la question posée.

La manœuvre de Blanquer crée de vives tensions au sein de la majorité

Sur RMC le 27 avril, Alain Péréa, député LREM de l’Aude dénonce un « coup dans le dos ». « Il n’y a pas eu de débat interne dans le groupe » et dit être « véritablement en colère contre ce dysfonctionnement de notre groupe, mais aussi par rapport au signal que l’on envoie aux habitants sur les territoires ».

La proposition de loi avait été votée par tous les députés bretons, toutes couleurs politiques confondues. Eux aussi montrent leur colère.

Gaël Le Bohec, député LREM de Redon et Membre de la commission éducation et affaires culturelles à l’Assemblée nationale, dénonce dans Ouest-France le 23 avril « un sabotage, une manipulation. Je parle de sabotage car cette saisie a été déposée à quelques heures de la fin de la possibilité d’un recours, sans que nous en ayons discuté au sein de notre groupe. Il y a aussi de la manipulation, notamment du ministre de l’Education nationale, auprès de certains députés. Certains d’ailleurs regrettent déjà leur saisie, ils sont très sincères et mal à l’aise. Cela arrive à tout le monde de faire des erreurs. C’est une méthode scandaleuse, et non une méthode de groupe politique. »

Le député LREM rennais Florian Bachelier et également Premier questeur de l’Assemblée nationale a déclaré le jeudi 23 avril à Ouest-France : « Je suis en colère. Ce recours a été déposé par des députés, essentiellement franciliens, qui nient que la France est riche de sa diversité et qui nient ce beau projet porté dès 2017 par le Président de la République de différenciation des territoires. »   ( Info / France 3 Bretagne )

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