Le tribunal administratif de Toulouse a annulé l’autorisation environnementale de l’autoroute A69. Ses opposants imaginent le futur du chantier, déjà bien avancé, et des personnes expropriées.
Toulouse, correspondance
« Ce qu’on attend maintenant, c’est de pouvoir définitivement tourner la page. » Les opposants au projet d’autoroute A69 s’étaient réunis ce 27 février à Toulouse pour célébrer leur victoire. En début d’après-midi, le tribunal administratif a annulé l’autorisation environnementale accordant la construction de cette liaison autoroutière, ce qui a entraîné l’arrêt des travaux.
« Tout le monde savait que cela allait arriver un jour ou l’autre et ils ont foncé dans le mur. Certains responsables politiques vont devoir rendre des comptes », dit, amer, Geoffrey Tarroux, militant au collectif La voie est libre. Entamé en mars 2023, ce chantier de 53 kilomètres a profondément marqué la région entre le Tarn et la Haute-Garonne. Depuis deux ans, le concessionnaire Atosca et les services de l’État se sont mis en ordre de bataille pour faire avancer les pelleteuses malgré les résistances sur le terrain et les actions en justice.
Aujourd’hui, près de la moitié des terrassements a été réalisée et trois-quarts des 200 ouvrages d’art ont été construits. Pour cela, 300 millions d’euros ont déjà été déboursés selon le maître d’ouvrage. En plus de cela, environ 820 personnes ont été expropriées de leurs terres et de leur maison pour permettre à l’autoroute de se concrétiser.
« La priorité c’est de laisser la nature reprendre ses droits »
Tant que le juge unique n’a pas statué sur le sursis à exécution et que la cour administrative d’appel n’a pas rendu son verdict final, le chantier risque de rester à l’arrêt. « Ce n’est pas plus mal, la priorité c’est de laisser la nature reprendre ses droits », confie Jean Olivier.
Cette situation inédite invite les collectifs opposés à l’autoroute à « inventer la suite, un vrai projet de développement local », selon Geoffrey Tarroux, qui habite dans la commune de Montcabrier, le long du tracé de l’autoroute. Et de poursuivre : « Ce dont on a besoin sur le territoire, c’est d’une concertation collective avec tous les acteurs ».
Proposer une autre vision du territoire
Un cas de figure similaire a récemment eu lieu en Dordogne et pourrait laisser imaginer la suite du chantier de cette autoroute controversée. Le 9 avril 2019, plus d’un an après le début du chantier du projet de déviation de Beynac, qui comprenait la construction de 3,5 kilomètres de route et de deux ponts, le tribunal administratif a annulé l’autorisation des travaux.
Malgré les recours déposés par le Département, la préfecture de Dordogne a finalement signé un arrêté encadrant la démolition du chantier un an plus tard. Le Département, cherchant à gagner du temps, a payé de lourdes astreintes pour son retard. En vain : la remise en état du site et la démolition complète des ouvrages devraient commencer en 2025, six ans après que le tribunal administratif a jugé ce projet illégal.
S’agissant de l’A69, les opposants voient plus loin qu’une remise en état. Ils souhaitent le développement d’un projet alternatif, élaboré par l’urbaniste Karim Lahiani, qui propose une autre vision du territoire : grande route pour les vélos, plantation massive d’arbres, création d’espaces agricoles…
« Un apaisement énorme »
« Un moyen de réhabiter nos territoires », affirmait en 2023 l’urbaniste, loin de la langue de béton qui était en construction. Il estimait qu’une « grande partie des travaux déjà réalisés pourrait être réutilisée, comme le béton de plusieurs ouvrages » ou certains ponts, utiles « pour faire passer des pistes cyclables ou des voies ferrées ».
Au delà des infrastructures déjà bâties, se pose la question des quelque 820 propriétaires expropriés, à l’image de la dernière habitante du tracé, Alexandra. Elle fut contrainte de quitter sa maison après de nombreuses pressions de l’État et de milices pro-autoroute sur sa propriété.
Le code de l’expropriation recense deux cas de figure. Soit le bien n’est pas en état d’être restitué, et l’expulsé perçoit des dommages et intérêts, soit le bien peut être restitué, et le juge décide d’éventuelles indemnités en réparation du préjudice causé par l’opération.
Des questions qui, pour l’instant, restent sans réponse. Mais, même si l’avenir est incertain, l’arrêt des travaux « est un apaisement énorme », dit Peter Queens, membre des Sans-Bitumes et de La voie est libre.