Boycott des produits « Made in USA  » REPORTERRE

Révolté » par les attaques de Donald Trump, Édouard Roussez, houblonnier bio du Nord, a lancé un boycott des produits et services étasuniens. Sur les réseaux, le mouvement prend de l’ampleur.

Hazebrouck (Nord), reportage

« Heureusement que c’est pas la pleine saison, je n’aurais jamais eu le temps de faire tout ça ! » Depuis quelques jours, Édouard Roussez est un homme très sollicité. L’agriculteur de 33 ans, installé à la sortie d’Hazebrouck et en lisière de la forêt de Nieppe, a lancé une campagne de boycott des services et produits étasuniens. Coca-Cola, Airbnb, Tesla, chips Lay’s… tout y passe.

Effaré par l’attitude récente du président climatodénialiste Donald Trump, qui multiplie les attaques obscurantistes, le paysan a décidé d’agir. « Les mensonges de Trump, son rapprochement avec Poutine [le président russe] et l’humiliation devant toutes les caméras du monde d’un dirigeant européen [Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, pour la signature d’un accord sur les minerais], j’ai trouvé ça révoltant », explique Édouard Roussez, qui cultive 4 hectares de houblon bio sur la parcelle familiale depuis 2017, à destination de brasseries locales.

Et d’ajouter : « Il y a cette guerre commerciale, la hausse des droits de douane qui vont flinguer des filières entières. On ne peut pas se laisser faire. »

« Lui faire peur »

Sur Facebook, il a donc créé le groupe « Boycott USA » le 1er mars et y a invité quelques copains. Avant de réaliser qu’il n’était pas le seul à vouloir se révolter. Au 10 mars, près de 19 000 personnes avaient rejoint le groupe francophone, où l’on s’échange les bons plans et pratiques pour ne pas consommer de produits et services des États-Unis.

La palette est très large : ici, on remplace le Coca-Cola par du Chtilà-Cola (produit dans les Hauts-de-France) ou du Breizh Cola (de Bretagne) ; là, on suggère Écosia ou Qwant (des moteurs de recherche allemand et français) en lieu et place de Google. Aussi, on y affiche également une hostilité pour les soutiens français de Trump, à l’instar de Vincent Bolloré.

 
«  Pas d’agriculteurs, pas de bière  », lit-on sur le t-shirt de son groupement de producteurs de houblon, Brewstock. © Stéphane Dubromel / Reporterre

De son côté, Édouard Roussez prône avant tout un boycott des entreprises ayant soutenu Donald Trump (comme Amazon, Meta, Spotify ou Google), puis des produits importés et des entreprises de services. Le boycott est plus nuancé sur les entreprises produisant sur le sol français, comme l’usine Häagen-Dazs à Arras (Pas-de-Calais) qui prépare des glaces avec du lait local.

« Je suis persuadé que chaque euro compte. Trump ne jure que par l’argent, alors utilisons l’argent, et faisons un coup d’éclat pour lui faire peur », affirme l’houblonnier bio. Pour qui, à long terme, « il faut que l’on reprenne la maîtrise de nos chaînes alimentaires et de nos filières ».

En résumé, Édouard Roussez a grand espoir de réussir à capitaliser sur ce mouvement, et à lancer un élan. « Quand t’arrives sur Mastodon ou Bluesky [des réseaux sociaux qui ne sont pas détenus par Elon Musk, contrairement à X], tu te sens un peu seul. Alors si on peut créer un mouvement, et se partager des idées, autant le faire. »

 

Pour le paysan, l’autre élément déclencheur dans la création du mouvement a été le succès de la campagne en Scandinavie : près de 71 000 personnes sur le groupe « Boycott USA » au Danemark le 10 mars, et plus de 74 000 en Suède. « La France, elle-même, avait été victime d’une campagne de boycott des Suédois [notamment sur le vin et les spiritueux] lors de la reprise des essais nucléaires en 1995 », rappelle, à juste titre, Édouard Roussez, espérant que la culture du boycott se développe aussi dans l’Hexagone.

Des frigos pleins de houblon étasunien

Loin d’être une réaction uniquement spontanée et épidermique, l’engagement citoyen d’Édouard Roussez s’inscrit au demeurant dans une réelle cohérence avec son parcours de vie et ses valeurs. Localiste convaincu, il vend son houblon à des brasseries du pays flamand — comme Thiriez ou Bellenaert — et fait pousser lui-même son propre combustible lors du séchage : du miscanthus, au milieu duquel les sangliers adorent se cacher.

 
Le houblon séché et prêt à l’emploi d’Édouard Roussez. © Stéphane Dubromel / Reporterre

Aussi, Édouard Roussez est soumis de longue date à la concurrence du houblon étasunien, face auquel il est difficile de lutter. « Ça me tend depuis quelques années de savoir que je n’arrive pas à vendre à des brasseurs parce que leur frigo est déjà plein de houblon américain, et ça m’énerve. Dans des bières locales, on doit avoir du houblon local. Sinon, ce n’est pas une bière locale. »

Preuve de l’uniformisation culturelle, les brasseries lui demandent très souvent du houblon « citra », une variété très à la mode pour les bières IPA et qui ne pousse… que sur le sol étasunien. Comme quoi consommer différemment, c’est aussi savoir déconstruire ses goûts.

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