Les éleveurs béarnais dénoncent la vente d’agneaux Néo-zélandais à bas prix REPORTERRE

20 éleveurs de la Confédération paysanne ont investi un Leclerc, dans le Sud-Ouest, avec stickers et banderoles. Ils dénoncent la vente à bas prix d’agneaux néo-zélandais et globalement les traités de libre-échange

À quelques jours de Pâques, le 27 mars, des éleveurs ovins sont venus sonner les cloches à la grande distribution. Au sens propre puisqu’ils ont amené avec eux des sonnailles — habituellement accrochées aux cous de leurs brebis — qu’ils ont fait retentir dans les allées du Leclerc d’Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques) où ils se sont introduits. La raison de leur courroux se trouve dans les congélateurs mis à disposition des clients du magasin : des gigots d’agneaux, vendus à 8,75 euros le kilogramme. « Un prix qui n’a pas de sens », a seriné Michel Erbin, lui-même éleveur ovin/bovin et l’un des porte-parole de la Confédération paysanne du Béarn. La viande vient de Nouvelle-Zélande.

Pour les paysans, c’est une aberration que les supermarchés vendent de l’agneau venu de l’autre bout du monde, alors qu’eux aussi proposent de la viande d’agneau, issue de leurs élevages situés à quelques kilomètres de la grande surface. Le compartiment contenant les gigots se sont retrouvés recouverts en quelques instants d’autocollants. La veille, le 26 mars, des paysans basques avaient mené une action similaire dans un Intermarché à Hasparren. Ils avaient vidé les rayons de viande néo-zélandaise vendue à moins de 10 euros le kilo pour les donner à une association.

Un traité de libre-échange qui ne passe pas

Pour Michel Erbin, cette aberration est appelée à s’étendre en même temps que les signatures de traités de libre-échange s’enchaînent. Un traité entre l’Europe et la Nouvelle-Zélande a été adopté par le Parlement européen fin 2023. Il entre en vigueur ce printemps 2024 et permet la hausse des importations depuis Auckland de diverses productions, surtout agricoles.

La mise en concurrence accrue entre les producteurs néo-zélandais et les agriculteurs européens pourrait se faire au détriment de ces derniers et du climat. « Nous demandons la sortie immédiate de l’accord entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande, mais aussi du Ceta [entre l’UE et le Canada] et l’arrêt des négociations d’accords de libre-échange, avec le Mercosur, l’Australie, le Chili, le Kenya… » énumère le porte-parole du syndicat paysan.

Derrière ces traités, les éleveuses et éleveurs voient la fin de l’agriculture telle qu’ils la souhaitent : rémunératrice et respectueuse des territoires. Michel Erbin s’interroge : « Je suis curieux de savoir ce qu’il reste dans la main des paysans là-bas. »

 

Dans le département des Pyrénées-Atlantiques, l’élevage ovin laitier occupe la première place des productions agricoles en zone de montagne. Ce sont des petits troupeaux, 280 brebis en moyenne, qui effectuent en grande majorité la transhumance vers les estives durant l’été. Avec ce modèle, le prix de revient d’un kilo d’agneau se situe autour de 16/17 euros du kilo. « Si on voulait se faire une marge, il faudrait le mettre à 20 euros le kilo, soulève Benoît Albisetti, mais pas grand monde peut se le payer à ce prix-là… »

Le jeune éleveur basé à Moncayolle possède 250 brebis et une cinquantaine de chèvres. Il est venu témoigner ce jour-là de son expérience en Nouvelle-Zélande, pays dans lequel il a passé plusieurs mois. « Là-bas, ce sont des grosses fermes détenues par des investisseurs. Certaines atteignent 15 000 hectares ! Ils embauchent des salariés qui sont payés autour du Smic pour gérer l’exploitation. Dans l’une des fermes où j’ai passé un mois, le salarié n’avait même pas les moyens de se payer les morceaux de viande qu’il produisait, ça m’a marqué. » Avant d’ajouter : « Il ne faut pas que ce modèle arrive en France ! »

« Il ne faut pas que ce modèle arrive en France ! »

Le dimanche de Pâques est l’un des pics de consommation d’agneau en France avec la tradition du gigot pascal. Actuellement, la production française ne permet pas de recouvrir toutes les tablées du pays, car elle ne représente que 46 % de la consommation nationale. Pour combler ce manque, Michel Erbin souhaite « installer des jeunes, avoir plus de bergères, de bergers dans nos campagnes ! » Et moins de gigots néo-zélandais.

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