Vacances sans avion : les solutions de REPORTERRE pour partir à 1000 km

[Infographies] Envie de voyager sans prendre l’avion? Tunisie, Pays-Bas, Slovénie : Reporterre a calculé l’empreinte carbone de neuf modes de transport. Bilan : le train reste la meilleure option.

Ça plane pour vous, ça crame… partout. Après les confinements liés au Covid, le rebond du secteur aérien se confirme. Les classes supérieures urbaines, et particulièrement les 18-34 ans, sont les plus susceptibles d’utiliser l’avion pour leurs voyages, selon le Credoc. Sauf que 40% des émissions de gaz à effet de serre du secteur touristique sont, selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), directement liées au transport par les airs.

Les voyages les plus écolos restent ceux effectués à pied, à vélo, ou même en canoë…. Mais si l’appel du lointain vous titille, il existe des options sans kérosène!

Sans viser la lune ou les Maldives, limiter son rayon de voyage à 1 000 kilomètres à vol d’oiseau (la taille de la France continentale) donne déjà accès à une vingtaine de pays et à un certain nombre d’alternatives.

Avec différents calculs, Reporterre a tenté d’estimer le temps et l’énergie fossile brûlée [1] selon neuf modes de transport pour trois destinations, au départ de Montpellier : les Pays-Bas, la Slovénie, la Tunisie. Bilan : en incluant l’impact des trainées de condensation en plus du kérosène, l’aviation reste la pire des solutions de mobilité d’un point de vue écologique, tandis que le train est de loin la meilleure.

Pays-Bas : TGV très bas carbone, contre avion trop bas prix

Prenons Amsterdam, une grande ville européenne connectée. Depuis Montpellier (1 250 km) en TGV, un seul changement est nécessaire à Paris. Selon la SNCF, l’empreinte carbone d’un Montpellier-Paris est de 1,8 kg CO2/personne. Seul souci, le prix des billets : 400 euros pour deux personnes pour un aller simple estival. Un choix de politique tarifaire calqué sur celui utilisé dans l’aviation, détachant souvent le prix de la distance et encore plus de l’intensité carbone.

En avion, le même trajet prendra 4 heures environ au total, avec un vol direct sans escale, mais pour 226 tonnes de CO2 par personne, soit près d’une demi-tonne de CO2 juste pour un aller simple à deux. Soit autant de carbone émis qu’en mangeant végétarien tous les midis pendant un an…

© Stéphane Jungers / Reporterre

Rédhibitoire? Pas encore. Selon l’étude annuelle de Greenpeace sur les pratiques de voyage des jeunes : en 2023, le prix est devenu le premier facteur de choix de la destination, avant même la beauté du paysage, la météo, les activités, etc. «Ce sont des vacances “Google Flights” : on choisit une date et on prend la destination la moins chère», explique Alexis Chailloux, chargé de campagne voyage durable chez Greenpeace France.

L’ONG vient justement de publier un rapport chiffré sur le surcoût énorme du voyage en train par rapport à l’avion. En même temps, facile d’être «moins cher» quand son carburant est détaxé, et le coût des infrastructures n’entre pas dans le prix du billet et la taxation carbone du billet limitée à quelques euros. Quant à la voiture? Elle ne s’avère pas non plus une solution idéale pour un tel trajet : 250 kg eq. CO2 pour un aller simple.

La Slovénie verte : en bus d’une traite ou en voiture électrique par étape

Sorti des grandes villes, l’automobile reste encore souvent la solution privilégiée pour des vacances hors des centres urbains, «au vert», en France et encore plus à l’étranger. Le mode de transport s’impose déjà bien en amont du voyage : «Quand vous achetez votre véhicule, vous le choisissez aussi pour répondre au besoin très ponctuel des vacances», relève Marie Chéron, spécialiste du secteur automobile dans l’ONG Transport & Environnement. De quoi conduire à un surdimensionnement généralisé des véhicules par rapport à leur usage courant, suivant la stratégie commerciale de l’industrie automobile.

Lire aussi : Vacances : et si on arrêtait le tourisme?

Pourtant selon l’ONG, diminuer déjà la taille des véhicules et batteries réduirait d’un quart la consommation de métaux nécessaires pour le secteur automobile. Ajoutez l’emprise générale de la voiture dans l’espace avec ses routes, autoroutes et son infrastructure de station, aires de repos : «La voiture vit par elle-même, mais sa place démesurée empêche l’émergence d’autres modes», résume la spécialiste. En face, la SNCF parvient bien à remplir ses grandes lignes, mais ne propose que de louer chèrement des voitures une fois arrivé en gare : aucune liaison de bus, de transports à la demande ou d’autopartage n’est encore proposée.

Dès lors, quelle solution choisir pour aller explorer une destination «nature» comme les Alpes slovènes, à 1 200 km de Montpellier? L’avion s’avère écologiquement rédhibitoire puisque la «logique» des vols internationaux impose au voyageur de Montpellier de faire escale à Paris (vers le nord) pour se rendre vers l’est. Résultat, il faut 450 kg eq. CO2 pour un aller simple sur une durée minimale de 7 heures (navettes comprises). Soit l’équivalent du CO2 émis pour l’électricité et le chauffage d’un foyer moyen pendant un an.

La solution la plus écologique serait là encore le train, avec la nuance que certaines lignes régionales fonctionnent encore au diesel. Mais cette fois, en plus d’un coût plus élevé se pose la problématique de la continuité des lignes, avec quatre changements sur des réseaux de pays différents. Total trajet : deux fois 8 heures, en deux jours.

Une alternative pourrait être le bus (thermique ou GNL), avec 92 kg eq. CO2 pour deux, avec un trajet peu confortable de 17 heures. Dans tous les cas, la question reste entière du moyen de locomotion à l’arrivée. La voiture électrique peut-elle être une option? Oui, si elle est petite et bien remplie. Si la peur de la panne reste profondément ancrée, les réseaux de bornes de recharge sont désormais largement déployés en Europe occidentale. En revanche, voyager ainsi impose d’adapter sa vitesse de conduite (100 à 110 km/h maximum) et de s’arrêter régulièrement 1 ou 2 heures. Au total, pour Montpellier-Ljubljana, deux bonnes journées de route seront nécessaires pour un bilan de 130 kg eq. CO2 à deux — soit 5 kilos de viande rouge. À noter que ce serait 114 kg eq. CO2 avec un mix électrique uniquement d’origine française — et une forte part de nucléaire et d’hydroélectricité.

Tunisie : le rail-trip avant le bateau de nuit

La voiture électrique n’est pas le seul mode de transport qui impose de redonner du temps au voyage. Pour traverser la mer, le changement de rythme est indispensable si l’on veut s’épargner le coût environnemental de l’avion. De Montpellier à Tunis avec une escale à Paris, c’est le pire bilan : 966 kg eq. CO2 pour 7 à 17 heures de trajet. Un aller-retour et c’est la totalité du bilan carbone annuel par personne nécessaire d’ici 2050 pour respecter l’Accord de Paris qui part en fumée.

Et la mer? Ce sera toujours moins pire, mais pas fameux non plus. «On manque beaucoup de données sur le transport de passagers par bateau», note Alexis Chailloux, de Greenpeace, avec un manque clair de transparence des compagnies. En fonction des évaluations, le coût carbone au kilomètre évolue entre 60 g eq. CO2 selon l’Agence européenne de l’environnement et 267 g eq. CO2 selon des calculs indépendants. Pourquoi un tel écart? L’impact réel dépendra à la fois de la taille du ferry, du carburant utilisé (fioul lourd, GNL, etc.) et de l’espace nécessaire par passager sur le bateau : taille de cabine, transport de la voiture ou non, services supplémentaires, etc.

Pour rallier Tunis depuis Montpellier, le bateau le plus proche part de Marseille pour une traversée qui dure près de 24 heures. Mais il existe une alternative… en train : à travers toute l’Italie, par Milan, Rome, Naples jusqu’en Sicile. Restera ensuite à prendre le ferry nocturne pour juste une dizaine d’heures. Et pour minimiser le prix, l’utilisation du passe européen Interrail s’avère judicieux puisqu’il permet de se déplacer de manière illimitée sur un nombre de jours donnés pour quelques centaines d’euros (moyennement quelques suppléments selon la ligne).

Cela suppose de rallonger, tant que possible, la durée des voyages et de remettre en cause l’habitude finalement très récente de voyager en un clin d’œil très loin et pour seulement un week-end. Un luxe auquel il est peut-être temps de renoncer pour pouvoir à l’avenir encore profiter de vacances dans une planète vivable.

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